Doit-on craindre les OGM pour notre santé ? (3/3)

avec Jean-François Bach, Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences et Claude Menara, cultivateur
Jean-François BACH
Avec Jean-François BACH
Membre de l'Académie des sciences

Les plantes OGM sont-elles une menace pour notre santé ?
Après dix ans d’exploitation du soja aux Etats-Unis, aucun effet secondaire n’a encore été détecté. Et que sait-on sur le maïs ? Eléments de réponses avec l’immunologiste Jean-François Bach et le cultivateur Claude Menara.

_ Les 15 et 16 septembre 2008, les scientifiques se réunissaient lors d’un colloque international à l’Académie des sciences. Nous vous proposons d’écouter une sélection de leurs interventions. Ici, Jean-François Bach et Claude Menara s'expriment en français.

Les OGM posent-ils des problèmes d'allergenicité ?
Jean-François Bach, secrétaire perpetuel de l'Académie des sciences


Jean-François Bach, Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences

« Les effets néfastes des OGM sur la santé sont l’objet d’un débat récurrent où s’intriquent des faits scientifiques méritant une analyse objective et des éléments moins rationnels relevant de
convictions fondées sur la crainte de l’imprévisible. Avant d’examiner les risques potentiels des OGM pour la santé, il convient de rappeler que la
production d’OGM offre des perspectives majeures utiles à la santé des populations telles que :
- La possibilité espérée de cultiver des plantes résistant à la sécheresse ou à des conditions salines défavorables, dans des régions où le déficit hydrique ou la salinité exposent les populations au risque de dénutrition grave.
- La possibilité de réduire l’utilisation de produits chimiques tels que les pesticides et les herbicides dont l’action délétère pour la santé est plausible sinon probable dans certains cas.
- L’amélioration des qualités nutritives de certains aliments. L’exemple du riz doré illustre bien cet intérêt potentiel majeur des OGM. Le riz décortiqué consommé dans de nombreux pays d’Asie est dépourvu de la provitamine A nécessaire pour éviter une carence nutritionnelle grave affectant de façon sérieuse et irréversible la vision des populations concernées. Le transfert d’un ensemble de gènes permettant la production de cette provitamine dans l’albumen du grain peut permettre de régler ce problème.
- L’utilisation à venir de vaccins et de médicaments produits par des OGM, à faible coût, utilisable dans un premier temps pour les animaux de ferme.

Il convient aussi de rappeler qu’à ce jour, les études épidémiologiques sur une très large échelle, concernant plusieurs centaines de millions d’individus, n’indiquent pas la survenue d’évènements cliniques défavorables liés à l’utilisation des OGM. Certes l’absence de preuves n’est pas la preuve de l’absence d’effets douteux mais l’argument est fort et globalement très rassurant. En fait, la discussion peut se focaliser sur les points suivants :
En premier lieu et surtout, le risque de réactions allergiques développées contre des protéines codées par le transgène.
En second lieu, le risque d’introduction de résistance aux antibiotiques qui avait été évoqué lorsque des gènes conférant la résistance à certains antibiotique avait été utilisé comme gènes reporteurs pour sélectionner les cellules transformées. Depuis, on n’utilise plus ce type de gène reporteur.

Enfin, l’imprévisible, par définition possible, qu’il convient de tenter de prévenir par des études toxicologiques réalisées in vivo chez l’animal avec les limites d’interprétation liées aux barrières d’espèces et aux difficultés de prédire des évènements rares.

Nous illustrerons cette discussion par le risque allergique. Un OGM peut exprimer une protéine absente de l’alimentation conventionnelle qui pourrait se révéler allergénique. Les réactions allergiques d’origine alimentaire peuvent en théorie être à l’origine de manifestations cliniques sévères à l’instar des accidents observés après l’ingestion d’un nombre heureusement très limité d’aliments telle que la cacahuète.

C’est ainsi que s’était posé le problème de l’allergénicité pour des plantes enrichies en acides aminés soufrés car exprimant une protéine issue de la noix du Brésil qui s’est révélée allergénique ce qui a
été heureusement détectée avant la commercialisation de cette plante.
En fait, ce risque d’allergie sévère est minime même s’il ne peut pas être absolument exclu. »

Dix ans d’expérience d’un agriculteur sur la culture de maïs OGM
Claude Menara, Bouglon

Malgré le moratoire gelant les cultures OGM (avril 2008), Claude Monara poursuit depuis 1998 la culture de champs de maïs OGM dans le sud-ouest. « L’agriculture biologique, c’est produire moins, plus cher, avec le même résultat sur le plan nutritionnel et gustatif » affirme-t-il.
Le maïs fait partie de ces plantes qui ne peuvent pas contaminer la zone sauvage (ndlr : ce n’est pas le cas du soja OGM, raison pour laquelle il n’a encore jamais été autorisé en France). Quant aux risques de contamination de « champs de maïs classiques », « il suffit », selon lui, « d’espacer les cultures dans le temps ».
En réponse aux écologistes, il affirme un brin provocateur que « les OGM sont la meilleure arme pour protéger l’environnement. Ils permettent de ne plus utiliser d’engrais, de pesticides, de consommer moins d’eau et de doubler les récoltes sur une même superficie ».

Sa prise de position et ses arguments ne semblent pas cependant avoir convaincu les associations écologistes, dont Yann Arthus Bertrand a immortalisé l’une de leurs actions avec une célèbre photo…

Le champ OGM de Claude Menara avait été immortalisé par le photographe Yann Arthus Bertrand, membre de l’Académie des beaux-arts
©Yann Arthus Bertrand \/ Greenpeace

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