La vierge à midi, un poème de Paul Claudel

"Je viens seulement, Mère, pour vous regarder..." Lecture par Robert Werner
Robert WERNER
Avec Robert WERNER
Correspondant

Canal Académie vous propose de découvrir ou de redécouvrir le poème La Vierge à midi de Paul Claudel. Le poète, élu en 1946 à l’Académie française, adresse une magnifique louange à la Vierge Marie. Les catholiques fêtent l’Immaculée Conception le 8 décembre.

Parallèlement à sa carrière de diplomate français, Paul Claudel n'a jamais cessé de développer son œuvre littéraire. Romancier, auteur dramatique, mais aussi poète, ses écrits sont empreints de lyrisme mais témoignent surtout de son amour et défense du christianisme.

On lui doit notamment Le Soulier de satin (1929), Le Partage de midi (1906), Poèmes de guerre (1922), Cinq Grandes Odes (1911); des essais comme Conversation sur Jean Racine (1956) ou encore une riche correspondance.

Il fut élu à l'Académie française, sans concurrent, le 4 avril 1946, à presque quatre-vingts ans, « l’âge de la puberté académique » comme il se plaisait à dire, au fauteuil de Louis Gillet.

Paul Claudel, de l’Académie française




La lecture de ce poème est assurée par Robert Werner, correspondant de l’Académie des beaux-arts, rédacteur en chef de la revue Sites et Monuments et vice-président de la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France.






Poèmes de guerre





La Vierge à midi



Il est midi. Je vois l'église ouverte. Il faut entrer.

Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.


Je n'ai rien à offrir et rien à demander.

Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.


Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela

Que je suis votre fils et que vous êtes là.


Rien que pour un moment pendant que tout s'arrête. Midi !

Être avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.


Ne rien dire, regarder votre visage,

Laisser le cœur chanter dans son propre langage.


Ne rien dire, mais seulement chanter parce qu'on a le cœur trop plein,

Comme le merle qui suit son idée en ces espèces de couplets soudains.


Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,

La femme dans la Grâce enfin restituée,

La créature dans son honneur premier et dans son épanouissement final,

Telle qu'elle est sortie de Dieu au matin de sa splendeur originale.


Intacte ineffablement parce que vous êtes la Mère de Jésus-Christ,


Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance et le seul fruit.


Parce que vous êtes la femme, l’Éden de l'ancienne tendresse oubliée.


Dont le regard trouve le cœur tout à fait et fait jaillir les larmes accumulées.


Parce que vous m'avez sauvé, parce que vous avez sauvé la France.


Parce qu'elle aussi, comme moi, pour vous fut cette chose à laquelle on pense.


Parce qu'à l'heure où tout craquait, c'est alors que vous êtes intervenue.


Parce que vous avez sauvé la France une fois de plus.


Parce qu'il est midi, parce que nous sommes en ce jour d'aujourd'hui.

Parce que vous êtes là pour toujours, simplement parce que

vous êtes Marie, simplement parce que vous existez

Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !


Paul Claudel (1868-1955)




En savoir plus :

- Consultez la fiche de Paul Claudel sur le site de l'Académie française.



- Retrouvez les articles de Robert Werner : Sites et Monuments la revue qui défend le patrimoine monumental et paysager et L’Hôtel de la Marine : une proie de prestige ainsi que sa biographie sur le site de l'Académie des beaux-arts.

- Parcourez le site de la Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique en France qui publie la revue Sites et Monuments, dont Robert Werner est le rédacteur en chef.

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