Michel Serres, de l’Académie française : la musique révèle le tréfonds de notre être...

Musique, un livre pour louer le langage universel de la musique !
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

Musique, le livre de Michel Serres dit ce qu’elle est. D’où jaillit la musique ? Trois contes pour écrire une philosophie de la musique, trois partitions du philosophe, sont déclinées au fil des pages dans ce livre des Editions Le Pommier, paru en mars 2011, pour chanter, louer, "l’expression la plus complète de l’humanité". Une interview de Michel Serres, de l’Académie française par Marianne Durand-Lacaze.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : pag910
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Difficile de lire un texte de Michel Serres sans avoir à l’oreille la musique de sa voix. C’est justement de "musique" dont il a décidé de parler dans son dernier livre qui longe selon ses mots « le fleuve musical qui descend des bruits du Monde vers le sens des langues et les performances des sciences … » C’est d'abord sous la forme d’un récit que la pensée philosophique de Michel Serres conduit le lecteur à suivre Orphée pour explorer le monde, pour être au monde au son de sa lyre, en harmonie avec le nouvel humanisme qu’il propose.


Michel Serres, de l’Académie française, 31 mars 2011 à Canal Académie
© Canal Académie




Michel Serres aime à parler plusieurs voix, la langue des sciences, la langue d’histoire et nous raconte, cette fois, comment l’homme universel dont il tente de faire le portrait au fil de ses livres et de sa vie, aime en musique, pense en musique.
Michel Serres loue, la musique l’expression la plus complète de l’humanité, dépassant le cadre habituel d'une expression des arts, par un récit mythologique, mais aussi autobiographique, et par un récit-réflexion tirée des sources religieuses, le Nouveau Testament (troisième et dernière partie de l'ouvrage), des variations dont on sait qu'il aime jouer dans son écriture. Le lecteur suivra les personnages-concepts que sont Orphée, Mémoire (Mnémosyne) et ses 9 filles, les muses, Marie, Elisabeth, Jean-Baptiste et Jésus.


Orphée, Musée byzantin et chrétien d’Athènes, avril 2011
© Canal Académie




En 2008, dans un texte de quelques pages intitulé « Tempo : le compositeur » (Cahiers de L’Herne, n°94), il écrivait à propos de musique, livrant une esquisse dans un propos plus large, de ce que pourrait être pour lui une philosophie de la musique" :
Musique. Le philosophe enfin se fait compositeur, car si, en étalant devant elle le volume des distances, la vue peut distinguer en séparant, l’ouïe, quant à elle, intègre des accords et des sommes de Fourier inanalysées. Charmés par les chants de oiseaux, nous percevons à peine leurs quarts de ton. Nous mesurons encore moins les souffles de l’orage, les sifflements des cyclones, le tonnerre sous terre des séismes et le bruit de fond du monde.

Entendez la mosaïque comme une prononciation à peine voilée de la musique ; combinant toutes deux notes ou pixels, elles mêlent même l’harmonie à la dysharmonie ou à l’anharmonie pour aboutir à une exponentielle beauté.

Philosophie musicienne d’une raison vive.



Michel Serres,  musique , Editions Le Pommier, Couverture
Anges musiciens, détail du Jugement dernier, fresque de Gianfranco de Tolmezzo, église de saint Antoine Abate, Spilimbergo




Bruits, Voix, Verbe, sont les trois parties du livre, trois variations qui convergent, conspirent, consonent. La musique vient du corps, de notre intérieur, du monde, et de nos sociétés : trois origines pour un même langage, Le vrai langage du monde et des vivants, selon ses mots.

Dans cette philosophie de la musique, exemple rare, un peu de sciences, un peu d’art, un peu de religion et de littérature, comme à son habitude par souci de clarté.


Parmi ses interrogations :


- Qu’est-ce qu’être musicien ?
- Quel est le lieu de naissance de la musique ?
- Comment se tissent les connaissances que nous avons de la musique ?
- Comment Orphée apprend-t-il à composer ?




Quelques citations en guise de réponses pour vous donner envie de lire musique :


- Au commencement mondial, le bruit ; la Musique le lisse ;
Au commencement de l’Humain le Mal ; la Musique m’en délivre ;
A tout recommencement, une sortie d’enfer.
Orphée apprend à composer.
- D’abord, la voix, le chant, puis le rythme sans lequel tout retombe dans le brouhaha du monde.

- ... le corps compte sans savoir les nombres. Sciences : la tête sait qu’elle compte, elle nomme ses nombres ; la musique compte au moyen de nombre sans nom. Débordés par le bruit, nous ne pourrions sans la musique dénombrer cet innombrable.
- La Musique n’est pas un savoir mais un puits d’où sortent toutes les inventions possibles. Ainsi la philosophie.



Pour Michel Serres, il n’y a pas d’existence vivante sans musique et l’humanité n’entend plus le Monde. Au fait s’entend-elle ? écrit-il dans musique.




Pour en savoir plus



- Michel Serres, sur le site de l'Académie française
- Michel Serres, musique, Philosophie de la musique qui incarne le vrai langage du monde et des vivants, Collection Essais et documents, Edition Le Pommier, mars 2011, 166 pages.







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