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Dans Académies : les livres primés :
Henri Maldiney, né le 4 août 1912, professeur de philosophie à Lyon-III pendant longtemps, vient de dépasser ses cent ans. Il est vivant et oublié avant que d’avoir été connu. Or, nous dit Jean-Louis Chrétien, philosophe, professeur à Paris-Sorbonne, son œuvre est capitale. Elle a inspirée bien des auteurs. Beaucoup se réclament de lui – soit en lui ayant « emprunté » des « idées » soit en le considérant comme un maître.
Les éditions du Cerf ont la bonne idée d’assurer la publication des « œuvres philosophiques » d’Henri Maldiney – à savoir ses principaux livres épuisés pour la plupart, dispersés, indisponibles ou introuvables ; sans compter les nombreux articles repris pour partie en livres. Quatre volumes sont parus en 2012 : Regard, parole, espace (paru initialement en 1973) ; Le leg des choses dans l’œuvre de Francis Ponge (1974) ; Maîtres de la langue et demeures de la pensée (1975) ; L’Art, l’éclair de l’Etre (1993). D’autres titres paraîtront en 2013.
Jean-Louis Chrétien, qui a fait une importante, admirative et belle introduction à ces publications, nous présente cette œuvre singulière et à découvrir absolument.
Damien Le Guay
I – Qui est Henri Maldiney ?
Henri Maldiney est né à Meursault en 1912, a été élevé en Franche-Comté. C’est à travers son enseignement à l’Institut des Hautes Etudes de Gand puis à l’Université de Lyon qu’il a marqué des générations d’étudiants en psychologie (puis anthropologie phénoménologique), esthétique et philosophie.
Lycéen à Besançon puis à Lyon – c’est là qu’il fut l’élève de Pierre Lachièze-Rey – normalien, agrégé de philosophie, Henri Maldiney a connu en outre l’expérience de l’Oflag
Il a rencontré de nombreuses personnalités : Jacques Schotte (que l’on peut considérer comme le plus ancien de ses anciens élèves), Ludwig Binswanger ( le « père » de la Daseinsanalyse) et Roland Kuhn (qui fut à l’origine de la découverte des effets antidépresseurs de l’Imipramine). Henri Maldiney prendra fermement position contre les thèses de Lacan. Il rencontre aussi Gisela Pankow et Leopold Szondi (fondateur de l’analyse du destin)
IL fut aussi, et sans doute surtout, ami de peintres et de poètes. Pour les peintres nommons : Duvillier, Bazaine et peut-être surtout Tal Coat – sans oublier François Aubrun. C’est cette proximité avec les peintres qui lui permet, après la seconde guerre mondiale, de parler non pas de peinture mais, selon l’expression de Jean Bazaine, « parler peinture »… ajoutant parfois : « comme un peintre peut en parler ».
Pour les poètes, il fut l’ami, de longue date, de Francis Ponge - au travail duquel deux de ses ouvrages sont consacrés. Mais aussi d’André du Bouchet – de nombreux textes de l’un et de l’autre témoignent de leur dialogue.
Dans l’un de ses derniers ouvrages, François Cheng, pour sa part, parle de son « maître et ami Henri Maldiney » ; ils ont eu plus d’une fois l’occasion de vérifier leurs convergences de vues tant sur la peinture que sur la poésie chinoises.
C’est finalement au plan philosophique que Henri Maldiney peut paraître le plus seul. On peut facilement dire de lui qu’il est phénoménologue. Il fut proche de Paul Ricoeur mais sans grande proximité intellectuelle.
Pensée en marche, pensée en marge, la pensée de Maldiney est aujourd’hui reprise, traduite par de nouvelles générations de chercheurs – tant à l’étranger qu’en France
Articles, préface avant 1973
Livres :
Jean-Louis Chrétien, lauréat 2012 de l’Académie française :
Voici l’extrait du discours prononcé par Jean-Louis Dabadie sous la Coupole lors de la séance du 6 décembre 2012 :
"La réflexion de Jean-Louis Chrétien porte sur la parole, la parole en ses multiples aspects (y compris la poésie qu’il a pratiquée), comme propre de l’homme.
Son ouvrage Conscience et roman étudie l’une des principales caractéristiques de la littérature contemporaine : le fait que le romancier « lit » et traduit littéralement ce qui traverse la conscience humaine – des secrets jusque là censés n’être connus que de Dieu seul. Ce sont, après la transparence de la subjectivité chez Stendhal et Balzac, les monologues intérieurs de Hugo (Tempête sous un crâne), le stream of consciousness chez Virginia Woolf, et jusqu’à Faulkner et jusqu’à Beckett.
Dans le deuxième tome, La Conscience à mi-voix, Jean-Louis Chrétien s’attache au « style indirect libre », de Flaubert à Henry James. La parole s’avère impuissante à contenir tout ce qui habite la conscience, mais par là l’ouvre à une transcendance. Alors, pour notre confrère Mgr Claude Dagens, en voulant, par le verbe et l’omniscience, se substituer à Dieu, paradoxalement l’homme devient capable de le retrouver".
Ecoutez la première émission réalisée avec Jean-Louis Chrétien : Que dévoile le roman moderne au sujet de la conscience selon Jean-Louis Chrétien
La deuxième : Madame Bovary, un roman qui opère une « révolution dans les lettres » …
Ecoutez aussi : Jean-Louis Chrétien : Grandeur de la parole
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