"Subconscience et cerveau", une conférence d’Yves Agid, membre de l’Académie des sciences

Intervention du praticien spécialiste du cerveau sous la Coupole de l’Institut de France
Yves AGID
Avec Yves AGID
Membre de l'Académie des sciences

Mardi 16 octobre 2012 sous la Coupole de l’Institut de France, a eu lieu la première séance solennelle de remise des Prix 2012 de l’Académie des sciences. A cette occasion, Yves Agid, membre de cette académie, a prononcé un discours intitulé "Subconscience et cerveau", dans lequel il explique les origines et le rôle de l’inconscient chez l’homme ainsi que les différentes dysfonctionnements inhérents à des maladies touchant le subconscient.


SUBCONSCIENCE ET CERVEAU




I – La subconscience, pourquoi ?




Lorsque je conduis ma voiture place de la Concorde, à 6 heures de l’après-midi, comment se fait-il que je ne heurte pas les autres voitures, que je n’écrase pas mes concitoyens ? Pourtant, alors que ma pensée est ailleurs, je tourne mon volant comme il faut, je freine à temps, je débraye de manière efficace … C’est curieux, ces mouvements, je ne me rends pas compte que je les fais. Je n’y prête pas attention. C’est comme s’ils se faisaient tout seuls. Je les fais de manière automatique, comme s’il y avait une intelligence tacite qui fasse que je m’adapte à l’environnement. Ils n’ont rien de particulier, ces mouvements, sauf qu’ils sont appris, surappris même. Dans cette situation, « je ne pense pas que je fais (« que je perçois », ou « que je pense »), mais je fais (ou je perçois, ou je pense) de manière automatique ». Je le fais de manière subconsciente.



Pourtant, ce comportement, je peux le modifier à ma guise. Il suffit que je le décide. Ma pensée peut se désengager pour imaginer une situation nouvelle ou m’adapter à l’environnement qui change. Cette fois, « je ne pense pas que je fais, mais je fais de façon non-automatique ». C’est ce qu’on peut appeler la préconscience. Que mon comportement soit automatique ou non, je peux maintenant avoir une pensée sur ce comportement. Je peux me dire « tiens, je suis en train de conduire sans y penser ». Dans ce cas, j’ai une pensée sur ce que je fais, « je pense que je fais, (ou que je ressens ou que je pense, voire même que j’existe) ». On est dans le domaine de la conscience. Mais, en quoi ces aptitudes mentales jouent-elles un rôle dans nos existences ?



Notre cerveau reçoit en permanence une énorme quantité d’informations, dans le temps et dans l’espace. Certaines de ces informations sont emmagasinées dans notre cerveau : stockage bref en état de conscience car le temps passé à penser à ce que l’on pense est réduit ; plus prolongé et délibératif en état de préconscience car on passe peu de temps à s’adapter à la nouveauté ; permanent mais à notre insu en état de subconscience. Ainsi, la subconscience fait un tri dans la myriade d’informations qui nous assaillent en continu, comme une sorte de « pilote automatique ». Mais un pilote automatique vivant. Et si ces comportements subconscients s’observent chez les êtres vivants, ce ne peut être que le cerveau qui en est responsable. Ce comportement subconscient est évidemment réduit à sa plus simple expression chez les animaux les plus primitifs (comme les reptiles et les oiseaux), chez lesquels elle est néanmoins suffisante pour assurer la survie de l’espèce. Chez "Homo sapiens", la prise en compte des comportements subconscients est particulièrement instructive car ils se traduisent par un comportement moteur que l’on peut observer. Or, ce comportement moteur ne fait qu’exprimer de l’intellect et de l’émotion. Il est difficile, voire impossible de le masquer. C’est donc un excellent reflet de la personnalité. Ainsi, tout médecin sait que la meilleure façon d’examiner un malade est d’observer sa manière de marcher, sa gestualité, sa façon de s’exprimer (modulations de la voix grâce à la motricité bucco-linguale et du larynx), et encore plus les mimiques de son visage. Tout se lit sur le visage, même le mensonge. Pourquoi ? Parce que le comportement subconscient, naturel et irrépressible, reflète fidèlement ce qui se passe dans le cerveau.

Retrouvez l'intégralité du discours d'Yves Agid ci-après :













Yves Agid est membre de l’Académie des sciences, professeur honoraire des universités, praticien hospitalier
à la Pitié Salpêtrière, et initiateur de la Fondation de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière.


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