Mathématiques et finance de marché : quelle place dans la crise économique ?

par Nicole El Karoui, professeur à Paris VI et à l’École Polytechnique

Les mathématiques jouent depuis le début des années 1970 un rôle prépondérant dans une activité peu connue des marchés financiers : la gestion des produits dérivés. Ces instruments financiers permettent d’assurer des prises de positions dans le futur, mais peuvent être aussi
des instruments de spéculation et en tant que tels très risqués. Explications de Nicole El Karoui au regard de la crise économique actuelle ; une conférence qui se déroulait en novembre 2008 à l’Académie des sciences, dans le cadre des Défis scientifiques du XXIe siècle.

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Nicole El Karoui

Des idées radicalement nouvelles en finance ont été introduites en 1973 par Black, Scholes et Merton qui ont obtenu le prix Nobel en 1998, mais certaines de ces idées avaient été mises en évidence par Bachelier en 1900. Elles reposent sur des outils et des concepts sophistiqués de probabilité développés depuis les années 1930.

Depuis les années 1980, une activité académique intense s'est développée autour de la gestion dynamique des risques, l'optimisation de portefeuille, et de manière générale la prise en compte des imperfections de marchés. C'est ce qu'on appelle les mathématiques financières. Bien que certains problèmes semblent très classiques, les théories habituelles ne s'appliquent que rarement telles quelles et de nouvelles questions sont posées régulièrement. Les méthodes numériques sont bien sûr au cœur de la finance de marché ; les contraintes de marché (donner un prix en 1 seconde) ont conduit à revisiter de nombreux algorithmes de résolution de systèmes d’équations aux dérivées partielles et, surtout, à promouvoir les méthodes de simulation de type Monte Carlo, et de manière générale, les méthodes numériques probabilistes, qui sont devenues un domaine de recherche en soi. De nombreuses idées nouvelles viennent effectivement des praticiens. D’autres activités financières utilisent d’autres types de mathématiques, notamment l’analyse statistique des cours à différentes échelles de temps, mais ces techniques ne sont pas utilisées dans le monde des produits dérivés.

Contrairement à ce que semblent montrer les marchés, les risques intrinsèques de ces produits sont mieux gérés qu’il y a quelques années. En favorisant une innovation financière de plus en plus sophistiquée, les mathématiciens se retrouvent impliqués dans la tourmente financière. Une fois de plus la responsabilité du scientifique dans le monde réel se trouve posée.

Ecoutez les détails de l'intervention de Nicole El Karoui. Elle a fondé et codirige le Master «Probabilités et Finance» Paris VI -Ecole polytechnique. Elle fut un élément moteur dans la création de la Fondation du Risque. Directeur scientifique de l'Institut
Louis Bachelier, elle est aussi coresponsable de chaires de recherche financées par le milieu professionnel.

Cette conférence s'est tenue en novembre 2008 lors d'une séance de l'Académie des sciences, dans le cadre des Défis scientifiques du XXIe siècle.


En savoir plus :

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