Lu pour vous… à La Documentation française : L’Euro est-il un échec ? de Michel Dévoluy

La chronique de Myriam Lemaire et le point de vue de Jacques de LAROSIERE, de l’Académie des sciences morales et politiques
Avec Myriam Lemaire
journaliste

Sous ce titre qui provoque et interroge, voici un livre d’information complet sur l’euro. A découvrir dans cette période où l’aggravation de la crise qui frappe la zone euro suscite inquiétudes et défiance. Myriam Lemaire l’a lu pour vous et a interrogé Jacques de Larosière, de l’Académie des sciences morales et politiques, ancien gouverneur de la Banque de France, qui donne son point de vue. A écouter ici.

Émission proposée par : Myriam Lemaire
Référence : vue529
Télécharger l’émission (18.7 Mo)

Dans ce livre, publié dans la collection «Réflexe Europe» de La Documentation française, Michel Dévoluy, professeur d’économie à l’Université de Strasbourg, revient aux origines de l’euro et s’interroge : quelles étaient les attentes avant la création de l’euro ? L’Union européenne a-t-elle réellement bénéficié de la monnaie unique ? Les conditions de succès de cette entreprise étaient-elles remplies ? Quels ont été les choix effectués ? Sont-ils pertinents ? Quelles perspectives face à la crise pour assurer sa survie ?

Un long processus


L’auteur explique les raisons qui ont conduit à créer l’euro et rappelle les étapes clés de sa construction. La genèse de la monnaie unique illustre la dynamique de la construction européenne, l’intégration monétaire étant apparue comme le prolongement de l’intégration économique. L’idée d’une monnaie européenne émerge progressivement à partir de 1969, avec le rapport Barre, puis le plan Werner. Après trois décennies de coopération monétaire, souvent chaotiques, marquées par les chocs pétroliers et « l’eurosclérose », puis par la mise en place du système monétaire européen en 1979, le basculement vers la monnaie unique est effectué en 1999. En 2002, l’euro devient la seule monnaie légale de la zone euro.

La création de l’euro suscitait de grandes espérances, à la fois sur le plan économique et sur le plan politique. Les gains attendus étaient l’accroissement de l’efficience économique et la constitution d’une identité collective.
Mais l’auteur rappelle que la perspective d’une monnaie unique a toujours été combattue ou critiquée.

Analysant le processus de création de l’euro et ses implications, Michel Dévoluy souligne que « l’engouement pour une monnaie unique a conduit à sous-estimer l’hétérogénéité des économies nationales ». Les différences de productivité, de croissance, de salaires, de fiscalité, de prélèvements obligatoires n’ont pas été suffisamment prises en compte. L’Europe a adopté une monnaie unique sans pour autant se constituer préalablement en un espace politique souverain, ce qui affaiblissait sa capacité à assurer une bonne gestion de l’euro, rappelle l’auteur.

Ainsi, dès l’origine, la zone euro n’était pas « une zone monétaire optimale ». Des difficultés étaient donc prévisibles.

En outre, la doctrine qui a prévalu pour bâtir la zone euro est l’approche "ordolibérale" de l’Allemagne d’après-guerre, axée sur la stabilité des prix et la rigueur budgétaire. Elle a, selon l’auteur, profondément marqué la construction de l’euro. L’Europe s’est focalisée sur le plus petit commun dénominateur : maîtrise de l’inflation et des finances publiques.

Pour mettre en œuvre une politique monétaire unique, le dispositif adopté repose sur une Banque centrale indépendante et sur le pacte de stabilité et de croissance qui impose aux États un ensemble de règles et de sanctions. Avec la monnaie unique, ils se sont vus privés d’une part importante de leurs marges de manœuvre, notamment de la possibilité de pratiquer le policy mix « à la Keynes » pour soutenir la conjoncture.

Un bilan contrasté


Siège de la BCE à Francfort-sur-le-Main.

L’euro est une indéniable réussite au plan technique, estime Michel Dévoluy. Il s’est imposé comme une monnaie internationale de référence et a parachevé le marché unique des biens et des services et celui des capitaux.

Mais les enquêtes d’opinion montrent que le sentiment d’identité des Européens a été peu modifié par la présence d’une monnaie unique dont les Européens semblent plutôt retenir les inconvénients que les avantages, constate l’auteur.

Il souligne que, si l’inflation a été parfaitement maîtrisée avec un taux moyen de 2,1 % de 1999 à 2007, les performances macro-économiques de la zone euro sont plutôt médiocres, notamment face aux États-Unis, avec des résultats de croissance et d’emploi décevants. Ces insuffisances révèlent les faiblesses de l’architecture de l’Union monétaire et les limites de ses fondements doctrinaux.

L’Europe face à la « grande récession »


La crise qui s’est enclenchée en 2007 aux États-Unis a placé l’Europe dans une tourmente majeure. D’abord financière, la crise s’est propagée à l’économie réelle avant de déboucher sur le problème des dettes souveraines. Cette crise économique, la plus grave de l'après guerre, a montré que la zone euro était mal armée pour faire face à ce type de situation. Elle a rappelé à l’Europe qu’elle n’avait pas de gouvernement économique mais seulement des mécanismes de coordination et de surveillance multilatérale.

L’auteur conclut que « l’euro n’est pas encore un échec ». Mais il est peut-être en situation d’échec. La gravité de la crise impose à l’Union européenne de réagir pour assurer sa survie et d’envisager de nouvelles perspectives.

Quelles perspectives ?


Pour Michel Dévoluy, la « grande récession » a démontré les limites de l’architecture de l’Union et a relancé le débat sur la nécessité d’un gouvernement économique pour la zone euro. La dilution des responsabilités entre les instances européennes a conduit à des atermoiements.
Il considère que les réponses apportées par l’Union à la crise en 2010 et 2011 restent marquées par sa doctrine économique d’inspiration libérale.

Pour l’auteur, quatre scénarios de sortie de crise se dessinent. Le premier, celui de la sortie ou de l’abandon de l’euro, lui paraît irréaliste. Il entraînerait plusieurs problèmes majeurs, à la fois économiques et politiques.

Au-delà des solutions partiellement mises en œuvre consistant à restructurer ou à mutualiser les dettes souveraines, et de celle envisagée d’instaurer un « fédéralisme tutélaire » fondé sur le respect de règles budgétaires et monétaires draconiennes, il propose d’explorer une nouvelle voie : celle d’une « planification fédératrice » dont il trace les contours. Elle nécessiterait une unification politique plus poussée.

« Une voie qui pourra sembler irréaliste, mais qui aura la vertu de placer la question de l’échec de l’euro à son véritable niveau : l’euro n’est pas qu’une simple construction économique, c’est un projet politique », dit l’auteur.




L’euro est-il un échec ? 2ème édition
Michel Dévoluy
dans la collection «Réflexe Europe», série «Débats»,
La Documentation française - 204 p – 9 €.

Déjà parus dans cette collection en 2011 et 2012 :
- L’Europe peut-elle se passer d’un gouvernement économique ?
- Que reste-t-il de l’influence française en Europe ?
- L’élargissement met-il en péril le projet européen ?
- La construction européenne est-elle démocratique ?
- L’Union européenne peut-elle devenir une grande puissance ?

A paraître prochainement :
- L’Europe peut-elle faire face à la mondialisation ?
- A quoi sert la Banque centrale européenne ?






Lu aussi pour vous… à La Documentation française :
« Crise de l’euro, regards extérieurs »



Ce numéro de la revue Problèmes économiques propose une série d’articles extraits de publications françaises et étrangères.
De grandes organisations internationales, comme le FMI et l’OCDE, donnent leur point de vue sur les crises de la zone euro, leurs origines et les mesures adoptées. Des économistes d’autres régions du monde font part de leurs inquiétudes devant les difficultés des responsables européens et l’avenir incertain de l’euro.

Problèmes économiques n° 3045, juin 2012 : 63 p, 4,70 €.






Le point de vue de l’académicien, Jacques de Larosière

Jacques de Larosière, de l’Académie des sciences morales et politiques, ancien directeur général du FMI, ancien gouverneur de la Banque de France, donne son point de vue sur la monnaie unique et sur la crise de la zone euro, dans un entretien avec Myriam Lemaire.

Il rappelle que l’euro a été un succès sur le plan technique. Introduit de manière remarquable, il est devenu la deuxième plus grande monnaie internationale après le dollar. C’est aussi une réussite au plan de la lutte contre l’inflation, avec la création de la Banque centrale européenne. Mais un phénomène malheureux a caractérisé cette décennie : l’absence de différenciation des taux d’intérêt entre les pays de la zone euro les plus vulnérables et les autres a donné l’illusion que tout allait bien.
Pour l’académicien, le problème fondamental a été de mettre en place une union monétaire sans construire au préalable une union économique.

Il souligne la gravité de la crise qui frappe la zone euro et analyse ses trois volets essentiels : détérioration de la compétitivité de certains pays, dont la France, déficit budgétaire de certains États, déficit des balances des paiements qui se traduit par une croissance des importations et une dégradation de l’emploi. «« Si nous ne parvenons pas à réduire les écarts, je suis assez pessimiste pour l’avenir de l’Union. Mais je pense qu’il est encore possible de résoudre ces problèmes »», dit Jacques de Larosière.

Après les progrès accomplis par l’Union en 2011, les décisions prises lors du Sommet européen, le 29 juin 2012, sont de bonnes mesures pour préserver l’union monétaire. Elles vont permettre de «briser le lien vicieux entre les banques et les États souverains», grâce au mécanisme européen de solidarité qui pourra financer directement les banques en difficulté. Ces mesures ouvrent une perspective fédérale et donnent une trajectoire nouvelle et plus dynamique à l’Europe.

Jacques de Larosière
© Canal Académie





Écoutez les émissions de Jacques de Larosière sur Canal Académie :

- la rubrique : Finances, la chronique de Jacques de Larosière, avec notamment :

Jacques de Larosière : quelques décisions pour rassurer les marchés sur l’euro
Jacques de Larosière : la fin de la dictature des marchés ?
Agences de notation et perte du triple A : la chronique "Finances" de Jacques de Larosière



Consultez la fiche de Jacques de Larosière sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques.


La Direction de l’Information Légale et Administrative (DILA) est une direction d’administration centrale des services du Premier Ministre. Issue de la fusion de la direction de La Documentation française et de la direction des Journaux Officiels, elle est placée sous l’autorité du Secrétariat Général du Gouvernement. Sous la marque « La Documentation française », la DILA est aujourd’hui l’un des grands éditeurs publics français.




Canal Académie est en partenariat avec La Documentation française.






En savoir plus :


- Consultez les autres chroniques de Myriam Lemaire et les émissions de Canal Académie, en partenariat avec la Documentation française :

- Lu pour vous... à La Documentation française : le dossier "Histoires de France" avec les points de vue de Pierre Nora, de l'Académie française, et d'Emmanuel Le Roy Ladurie, de l'Académie des sciences morales et politiques

- Lu pour vous... à la Documentation française : Service public, services publics de Pierre Bauby avec le point de vue de Marcel Boiteux, de l'Académie des sciences morales et politiques

- Lu pour vous ... à la Documentation française : " la justice en réforme : où en sommes-nous ?" avec le point de vue de François Terré, de l'Académie des sciences morales et politiques

- Lu pour vous… à la Documentation française : « Le Président de la République au centre du pouvoir » avec le point de vue de Pierre Mazeaud, de l’Académie des Sciences Morales et Politiques


- Lu pour vous… à La Documentation française : « Allemagne. Les défis de la puissance » avec le point de vue de Georges- Henri Soutou, de l’Académie des sciences morales et politiques

- Lu pour vous... à la Documentation française : trois ouvrages sur la mondialisation avec le point de vue de Michel Pébereau, de l'Académie des sciences morales et politiques










Cela peut vous intéresser