Les langues régionales de France : limousin , auvergnat, provençal alpin : à la marge (11/20)

11ème émission de la série proposée par la linguiste Henriette Walter
Avec Hélène Renard
journaliste

Parmi les langues qui constituent l’ensemble des trois grandes régions des langues d’oc, séparées par des zones de transition, c’est la partie la plus septentrionale qui a été la plus soumise à l’influence des dialectes d’oïl voisins et c’est elle qui a été également plus vite recouverte par la langue française. On y distingue, d’ouest en est, trois sous-groupes : le limousin, l’auvergnat et le provençal alpin.

Émission proposée par : Hélène Renard
Référence : sav578
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- Le limousin

La langue du Limousin se trouve en fait dans une zone de transition entre usages d'oc et usages d'oïl, très touchée par les influences venues de la zone d'oïl, surtout dans sa partie la plus septentrionale, et c'est d'ailleurs par le nord du Limousin que la substitution du français au latin ou aux langues locales avait commencé dans le Midi. Dès le début du XIVe siècle, les textes administratifs y ont été souvent écrits en français presque partout. Une exception cependant : jusqu'à la fin du XVIe siècle, Limoges offrira une résistance farouche à la langue du roi, le français.

- Extension géographique

La région actuelle du Limousin est composée de 3 départements : la Corrèze (19), la Creuse (23) et la Haute-Vienne (87). Elle regroupe deux provinces de l'Ancien Régime : le Limousin et la Marche, dont le nom indique bien qu'il s'agit d'une zone de transition (du germanique marka « limite »).
Dans cette langue, on trouve en effet des influences mêlées,

Région du Limousin

venues à la fois des langues d'oïl et des langues d'oc. Dans la partie septentrionale, en raison de la proximité des usages d'oïl des régions voisines, on trouve une majorité de formes en ch, comme chabra, « chèvre », vacha « vache », chadena « chaîne », chalor « chaleur », chandela « chandelle », chantar « chanter », chapeu « chapeau », chasteu « château », qui rappellent aussi les formes du français.
Mais les usages d'oc s'y révèlent aussi, sporadiquement, avec le maintien de la succession ca du latin, en particulier par exemple dans cadenàs « cadenas », campana « cloche », carna « viande ».

C'est dans les toponymes que se révèle avec le plus de force son appartenance au domaine d'oc : le grand nombre de toponymes en -ac (ou -at) formés au moyen du suffixe –acum , d'origine gauloise et qui désignent souvent des domaines. Il y en a plusieurs centaines, répartis sur les 3 départements :


- en Haute-Vienne : Bellac, Châteauponsac, Lussac, Noblat ;
- dans la Creuse : Boussac, Fursac
- en Corrèze : Chirac, Espagnac, Lissac, Segonzac, Vitrac.

- L'auvergnat

En Auvergne, bien que le latin ait évolué en donnant naissance à des dialectes d'oc, le rattachement au royaume de France dès 1271 - avec des enclaves indépendantes -, les progrès du français vont nettement s'y manifester à partir de la fin du XIVe siècle, mais cette influence ne se fera sentir qu'au nord du Massif central, qui arrêtera momentanément l'invasion du français : au sud de cette frontière naturelle, à Aurillac et à Saint-Flour par exemple, l'auvergnat restera d'usage général jusqu'au XVIe siècle.
De nos jours, l'Auvergne fait bien partie du domaine d'oc (départements de la Haute-Loire, du Puy-de-Dôme, du Cantal), à l'exception de la moitié nord du Bourbonnais (Allier), où les usages sont ceux des dialectes d'oïl. Les limites entre le limousin d'un côté, et le provençal alpin de l'autre y sont mal établies car l'auvergnat partage plusieurs traits avec l'un et l'autre.




- Le provençal alpin (vivaro-alpin, gavot)

Contrairement à l'auvergnat et au limousin, le provençal alpin, nommé aussi vivaro-alpin, se caractérise en partie par des formes anciennes, dues à l'isolement des populations dans ce milieu montagneux.
On l'a également nommé gavot, qui est une appellation plutôt méprisante envers ceux qui le parlaient, à qui l'on donnait ce sobriquet signifiant, pour ceux qui employaient ce mot, « arriéré, peu cultivé, venu d'une région de sauvages ».
Cette façon de dire a ensuite été combattue par les dialectologues, qui ont rétabli l'étymologie du mot gavot (ou gavachou, gabach), en rappelant qu'il vient du latin gaba « ravin, pente », évocateur des paysages escarpés des Alpes. Un Gavot serait donc plus justement qualifié d' « habitant du Haut Pays, venu de la montagne ». En provençal alpin, ce mot latin gaba est à l'origine du nom du gosier, gaugna « joue ».
On reconnaîtra un habitant de la montagne par ses « tch » et « dj », par le maintien du /r/ final des infinitifs : mandjar en provençal alpin (mais manja en provençal maritime et en Nissart), et également par le maintien de la consonne étymologique finale (lou fuec « le feu ». La montagne semble ainsi avoir été un conservatoire de la langue latine sous une forme plus proche de celle des origines.


À ces zones intermédiaires mixtes feront suite, dans la prochaine émission, les dialectes d'oc moins mêlés: le provençal, le languedocien et le gascon.





Henriette Walter, linguiste renommée, est professeur émérite de linguistique à l’Université de Haute Bretagne (Rennes) et directrice du laboratoire de phonologie à l’école pratique des Hautes Études à la Sorbonne. Henriette Walter est reconnue comme l’une des grandes spécialistes internationales de la phonologie, parle couramment six langues et en « connaît » plusieurs dizaines d’autres. Elle a rédigé des ouvrages de linguistique très spécialisés aussi bien que des ouvrages de vulgarisation.




Bibliographie sélective d’Henriette Walter :


- L’aventure des langues en occident (Robert Laffont)

- L’aventure des mots français venus d’ailleurs (Prix Louis Pauwels 1997)

- Le Français dans tous les sens (distingué du Grand Prix de l’Académie française en 1988)

- Honni soit qui mal y pense, l’incroyable histoire d’amour entre le français et l’anglais,

- L’aventure des langues en Occident (prix spécial de la Société des gens de lettres et grand prix des lectrices de Elle, Robert Laffont, 1994)

- L’aventure des mots français venus d’ailleurs (prix Louis Pauwels 1997, Robert Laffont)

- Honni soit qui mal y pense (Robert Laffont, 2001)

- Arabesques (Robert Laffont, 2006)




En savoir plus:


- Poursuivez cette série de 20 émissions sur les langues régionales de France, sur le site de Canal Académie.


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- Canal Académie vous invite à consulter le site du Hall de la chanson (www.lehall.com), partenaire de cette série d’émissions sur les langues régionales de France.

- Dans cette émission, vous avez pu découvrir un poème de Marcelle Delpastre, récité par Paul Raynal, auteur d'un manuel de littérature limousine, intitulé Paraulas Lemosinas.
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->http://www.lehall.com/]






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