Ricardo contre Keynes : le grand règlement de comptes

La chronique économique de Philippe Jurgensen

Invoquer les grands ancêtres de la théorie économique, à l’heure où chacun se préoccupe de la crise et du futur immédiat, peut sembler hors de propos. Pourtant, c’est aujourd’hui plus que jamais, que la conjoncture offre l’occasion de les départager une bonne fois pour toutes ; car leurs théories sont soumises au plus sévère des tests : « en vraie grandeur ». Notre chroniqueur économique Philippe Jurgensen nous aide ici à y voir plus clair.

John Maynard Keynes (1883-1946)

Résumons à grands traits : pour Keynes, la préférence pour la liquidité et l’excès d’épargne, se conjuguant à une forte aversion au risque, font tendre l’économie vers un équilibre de sous-emploi ; la puissance publique peut et doit donc compenser ces tendances déflationnistes en injectant des liquidités et en soutenant la demande tant privée (à travers le pouvoir d’achat) que publique (par l’investissement qui, grâce à son effet multiplicateur, accroît l’activité).

Pour les libéraux de l’école de Ricardo, c’est là une illusion du fait de ce que dans l’inimitable jargon des économistes on appelle le « principe d’équivalence néo-ricardienne » : anticipant les mesures de rigueur qui devront suivre pour rééquilibrer les comptes publics, les acteurs économiques restreignent leurs dépenses, retardant d’autant la reprise souhaitée. Quant au laxisme monétaire, il ne ferait que susciter l’inflation et alimenterait de nouvelles « bulles », source des crises futures.

David Ricardo (1772-1823)

Keynésiens, néo-ricardiens ? Qui a tort, qui a raison ? Ce serait bien sûr trop simple si la vérité était tout entière d’un seul côté.

Il ne suffit pas (si nécessaire que ce soit) de restaurer progressivement un meilleur équilibre des finances publiques pour obtenir une relance spontanée du secteur privé. Mais d’un autre côté, les recettes de la relance par la dépense publique sont évidemment désormais à bout de souffle.
Face à ce dilemme, on comprend les hésitations des gouvernants, et la difficulté de l’opinion à sortir du marasme. Ce que l'on peut au moins espérer, c'est que la façon dont nous sortirons de la crise permettra à l’avenir de mieux départager ces théories économiques.

Écoutez la chronique de Philippe Jurgensen pour davantage de précisions.

En savoir plus :

Philippe Jurgensen est professeur d’économie à l’IEP de Paris et président de l'Autorité de Contrôle des Assurances et Mutuelles depuis 2004.

Quelques ouvrages de Philippe Jurgensen :
- Écu, naissance d’une monnaie, éditions Jean-Claude Lattès, 1991 – Ouvrage lauréat du Prix de l’Académie des Sciences Morales et Politiques
- L'Euro pour tous, éditions Odile Jacob, Paris, février 1998
- Le Guide de l'euro pour tous, éditions Odile Jacob, Paris, 2001
- L'Erreur de l'Occident face à la mondialisation, éditions Odile Jacob, Paris, 2004
- L'Économie verte, éditions Odile Jacob, 2009


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