Science-Fiction par Michel Pébereau : Magie brute , "Chroniques du Grimnoir ", de Larry Correia

Une chronique magique et fantastique
Michel PÉBEREAU
Avec Michel PÉBEREAU
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

États-Unis, début des années 1930. Apparu depuis près d’un siècle, la magie est partout. Les dirigeables sillonnent le ciel, des zombies peuplent Berlin et le lecteur découvre les « actifs », personnes capables de se téléporter, de lire dans les esprits ou même de modifier la gravité... Deux sociétés secrètes se livrent une bataille acharnée : l’Imperium, souhaitant imposer sa supériorité, et le Grimnoir, peuplé de résistants aux méthodes discutables.
Roman à la croisée des genres, combinant avec réussite uchronie, fantasy urbaine ou encore steampunk, ce premier livre des « Chroniques du Grimnoir » est un polar inspiré, héritier des comics américains. Écoutez Michel Pébereau vous le présenter.

Ce sont des États-Unis parallèles des années 1930 qui servent de cadre aux chroniques du Grimnoir. Il s’agit bien des États-Unis : on y trouve un Roosevelt qui fait de la politique, un Peter Stuyvesant des affaires, et un Browning des armes ; un Edgar Hoover qui dirige des services secrets et un inventeur de génie du nom de Tesla ; il y a aussi quelques américains revenus en héros d’une guerre mondiale qui a récemment ravagé l’Europe.
Mais c’est un monde parallèle : parce que ces personnages sont tous un peu décalés, dans le temps comme dans leur rôle ; et puis parce que ce qui a mis fin à la guerre, c’est la mise au point par Tesla d’un rayon capable de détruire toute vie sur son passage ; une arme rebaptisée depuis lors « rayon de paix » en raison de son effet dissuasif.

L’essentiel est que, dans ce monde parallèle, on a découvert depuis près d’un siècle qu’un dixième de la population environ disposait de talents magiques, de superpouvoirs. Les espèces les plus répandues sont « la « brute », qui peut canaliser le pouvoir magique pour rendre instantanément son corps plus fort et plus résistant, et «le lourd » qui réussit à modifier l’intensité de la gravité dans la zone qui l’entoure.
Il y a aussi l’« estompeur », capable de traverser des objets solides en modifiant sa propre densité au niveau inframoléculaire ; « le voyageur », qui peut se déplacer instantanément d’un endroit à un autre ; « le parleur », qui contrôle pensées et sentiments de son auditoire et excelle donc en politique ; « le liseur » , télépathe qui entend les pensées de ses voisins ; « l’évoqueur », qui peut faire venir des créatures plus ou moins infernales d’un autre monde ou transformer des morts en zombies animés d’une véritable folie meurtrière.


Très rares sont malheureusement « le guérisseur », qui peut accélérer le processus de guérison des blessures et, dieu merci, « le cheval pâle », dont le simple contact provoque des maladies mortelles. Dans sa majorité, la population ne dispose pas de talents magiques. Elle n’aime guère ceux qui en sont dotés, qu’ils soient « passifs » c’est à dire incapables de mobiliser leur don, ou « actifs », assez forts pour utiliser celui-ci à volonté.

Une partie des actifs est rassemblée dans deux organisations qui se livrent une guerre souterraine, et sans merci. L’Imperium est dirigé par « Le Président », le baron Obuko Tokugawa ; il a le Japon pour base et des appuis américains, dont Edgar Hoover sans doute ; son objectif est le contrôle du monde. En face le général Pershing a organisé aux États-Unis, une société secrète qui fait de la résistance : le Grimnoir.
Celui-ci a des intentions honorables, aime la démocratie et la liberté ; mais il n’hésite pas à utiliser des moyens contestables pour défendre les causes qu’il estime justes. L’intrigue ? L’Imperium recherche les différents éléments de l’arme capable de détruire le monde, que Pershing avait dispersés et cachés à la fin de la guerre, et dont le rassemblement pourrait créer une menace d’asservissement de l’humanité par celui qui le réaliserait.
Les affrontements sont titanesques, compte tenu des forces en présence. Un personnage va jouer un rôle central dans le conflit entre ces deux organisations : Jack Sullivan. Il dispose des superpouvoirs pouvoirs d’une « brute » et d’un « lourd ». C’est un vétéran de la guerre mondiale ; il a fait de la prison pour meurtre et exerce le métier de détective privé. Il a développé ses pouvoirs magiques mais ne les utilise qu’au service de causes qu’il estime justes.
Il a fait pour un temps allégeance à l’Imperium pour obtenir sa libération anticipée. Mais il est manifestement plus proche du Grimnoir, où il a des amis et qui cherche à l’embaucher. Le camp de l’Imperium a recruté son frère Madi, lui aussi héros de guerre, et a développé ses superpouvoirs au point de le rendre quasi invincible. Jack devra choisir son camp.

L’auteur de cette œuvre pleine de bruit et de fureur est Larry Correia. Très jeune, il a travaillé dans la ferme familiale. Passionné de lecture, il a fait des études de comptabilité, est devenu spécialiste d’armes à feu, et s’est mis à écrire. « Magie brute » est son premier roman. Autoédité à l’origine, il figure sur la liste des « best sellers » du New York Times.

Larry Correira y met en scène des super héros d’un nouveau type et s’inscrit dans la lignée, riche dans l’histoire de la SF, des « pulps » américains. Il a un style très direct bien adapté à ce roman d’action, qui est une succession de bagarres et de fusillades, toujours très meurtrières. Ses personnages - zombies, samouraïs, superhéros, sumos, jolies filles - sont consistants et truculents.
Le Président de l’Imperium, qui veut dominer le monde, est aussi un poète ; le héros Jack est une brute très fleur bleue. Certains servent le Bien, et sont prêts à risquer leur vie pour défendre leurs amis et alliés contre le Mal. Mais pour presque tous, la fin a tendance à justifier les moyens, et la mort de l’adversaire ne crée aucun état d’âme.
Heureusement, l’humour est toujours là pour rendre supportables des comportements que la morale réprouve et un climat général de violence qui n’a rien à envier aux jeux vidéos des adolescents. On attend avec impatience le livre deux de ces chroniques.


Larry Correia
«Chroniques du Grimnoir» - Livre 1er - Magie brute
traduit de l’anglais par Marie Surgers
Éditions l’Atalante
(475 pages - 21.85 €)


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