« Trente douloureuses » ?

Toujours d’actualité ... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Il y a vingt ans, l’industrie représentait encore 24% de la valeur ajoutée produite en France. Aujourd’hui : 14%. « A ce rythme, dit Augustin de Romanet, ancien directeur général de la Caisse des Dépôts, il n’y aurait plus d’industrie en France dans vingt ans. » L’industrie, c’est l’obsession de Sarkozy ; Hollande n’y consacre quasiment pas une ligne dans son programme de la «  première année du changement ».

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Comment arrêter ce déclin ? Depuis la guerre, la France aura d’abord connu les « Trente glorieuses », années de reconstruction, de modernisation, de croissance forte – les dépenses publiques s’élevaient à 34,6 % du PIB, les prélèvements obligatoires à 33%. Puis, à partir de 1975, ce furent les « Trente piteuses » (une expression de Nicolas Baverez), secouées par les crises à répétition, auxquelles on a répondu par les déficits et l’emprunt - nos dépenses publiques ont atteint 56% du Pib et les prélèvements obligatoires plus de 44%.
Sommes-nous au début d’un nouveau cycle, celui des « Trente douloureuses »? Augustin de Romanet, qui a consacré 26 années de sa vie au service de l’Etat, le redoute ; il propose donc, dans un essai percutant, des pistes pour l’éviter. « Tout est possible, écrit-il, l’anesthésie, le déclin, l’explosion » - ou bien la « réinvention » de l’avenir, en tirant la leçon des crises (la grecque, celle de l’euro, de la gouvernance européenne, etc) pour pouvoir affronter les défis de la mondialisation.


La course sans fin à la dépense publique, à l’impôt, à l’emprunt, a-t-elle en quoi que ce soit freiné le chômage et la pauvreté ? Non, alors pourquoi continuer ? « La dépense en excès ne produit aucun bien être social, écrit Romanet, elle pèse sur la compétitivité du pays et, in fine, nuit à l’emploi. » Parce que l’argent public est moins bien géré que l’argent privé, parce que l’Etat n’est ni le meilleur « prestataire de services publics », ni le meilleur assureur de sécurité sociale.
En revanche, il devrait se consacrer à sa mission, mieux gérer ses « ressources humaines », adapter le pays à la mondialisation, être un « stratège » du long terme, capable de prévoir. Romanet cite le cardinal de Retz : « Il est inexcusable de n’avoir pas prévu et de n’avoir pas prévenu les conjonctures où l’on ne peut plus faire que des fautes. » Le déni de réalité est le plus sûr moyen de s’engager dans les « douloureuses ».



Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 14 avril 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.


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