La médaille dont rêve Moscovici

Toujours d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Pierre Moscovici rêve de faire mieux que la droite en gestion des finances publiques. Mais, prudent, il cite la philosophe Hannah Arendt pour qui « le progrès et la catastrophe sont l’avers et le revers de la même médaille. » Aux amis de la Revue des Deux Mondes qui lui demandaient l’autre soir quelles économies l’Etat allait faire en contrepartie du choc fiscal, le ministre des Finances répondait par son propre exemple : « Sur mes 170 000 agents, je supprime 2 350 postes et, croyez-moi, ça ne leur fait pas plaisir ! » La loi de finances pour 2013 prévoit en effet 12 298 suppressions d’emplois dans les ministères, tout en recrutant deux fois plus à l’Education nationale et à l’Intérieur.

Que faisait donc la droite ? En dix ans, elle aura réduit les effectifs des Finances de 30 000 agents ; d’une manière générale, elle a fait baisser les effectifs des ministères de 300 000 fonctionnaires. Mais au cours de la même période, dans les collectivités territoriales où la gauche est majoritaire, le personnel s’est accru de 400 000 agents.

Enfin, dans la fonction publique hospitalière, et à cause de la désorganisation des 35 heures, il a fallu procéder à 150 000 recrutements supplémentaires. Ainsi, la baisse opérée dans les ministères a été ruinée par ce qui s’est fait ailleurs. Cela n’arrête pas Pierre Moscovici qui n’hésite pas à mettre en valeur l’expérience canadienne, ce que les libéraux de droite étaient jusque là les seuls à revendiquer.


Celle-ci n’a rien perdu de son actualité. En 1993, le Canada était un pays en faillite, surendetté, et auquel les emprunts coûtaient 40% des ressources. Il avait perdu son triple A. Les électeurs appelèrent au pouvoir le chef du parti libéral, Jean Chrétien, qui prit la situation à bras le corps ; il sabra dans les dépenses pour ne pas infliger au pays un matraquage fiscal qui aurait tué la reprise. En trois ans, ministère par ministère, il réduisit subventions et effectifs de 20% : 47 000 agents de moins dans la fonction publique (274 000) d’un Etat fédéral ! A partir de 1998, les excédents remplacèrent les déficits et le triple A fut bientôt rétabli. Et dans la récente crise, le pays a pu s’en sortir par la relance grâce à ses excédents antérieurs. C’est l’avers de la médaille qui fait tant rêver Moscovici. Mais avec son 1,5% de réduction d’effectifs, il est encore loin du compte…



François d’Orcival



Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.


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