Arrêté d’expulsion fiscale

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Pierre Moscovici va devenir un champion de la sémantique. Voici, par exemple, comment le ministre des Finances maquille les mots « lutte des classes » qu’il doit juger un peu trop rudes : au Grand jury RTL-Le Figaro-LCI du 3 juin, il en appelle à la « décence » - le salaire des patrons est « une question de décence » -, à la justice – l’écart des rémunérations « dépasse les bornes » - ou même au « patriotisme » - « je n’ose pas croire, dit-il, que des groupes multinationaux préparent la délocalisation de leurs sièges sociaux ». Il expliquera ensuite qu’il n’y aura pas de nouvelle législation sur le sujet mais qu’il prépare un projet de loi...

C’est ainsi que l’on désigne les patrons des entreprises publiques à la vindicte en décrétant que leurs rémunérations seront réglementées (pas plus de vingt fois le plus petit salaire de l’entreprise). Mais à partir de quel pourcentage du capital détenu par l’État, une société devient-elle « publique » ? Si le patron d’une telle entreprise n’est pas un fonctionnaire d’origine, quelle garantie aura-t-il du respect de son contrat quand l’État s’arroge le droit de l’assimiler à de l’abus de biens sociaux en lui appliquant des décisions rétroactives ? Faudra-t-il créer une filiale de direction pour que le salaire du PDG puisse être vingt fois plus élevé que la plus basse rémunération, celle d’un directeur adjoint ? Le rapport de 1 à 20 ne serait pas le même chez Air France si le salaire de base était celui d’un pilote. Verra-t-on la part variable du salaire versée en Suisse ou au Luxembourg? A absurdité, absurdité et demie.


A travers le cas des patrons des entreprises publiques, ce sont tous ceux qui gagnent plus d’un million d’euros par an que le gouvernement actuel stigmatise. On annule la circulaire Guéant sur la libre entrée des étudiants étrangers, mais on prépare l’équivalent fiscal d’un arrêté d’expulsion des fortunes de France. Taxation à 75% des hauts revenus (à 100% ou plus, en y ajoutant diverses taxes), impôts « exceptionnels », nouveau barème de l’ISF, etc. La stigmatisation des riches finit en spoliation. On ne pourra pas se plaindre de voir fuir la richesse des investisseurs, des mécènes, des clients de nos industries de luxe et des plus gros contribuables ! En économie, la justice s’appelle efficacité ; pour pouvoir distribuer, encore faut-il avoir produit.




Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 9 juin 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.


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