Je ne vous souhaite pas mes meilleurs vœux !

« Faut-il le dire ? » La chronique de Pierre Bénard
Avec Pierre BENARD
journaliste

En ce mois où l’usage est d’échanger des vœux que l’on dit « bons », Pierre Bénard nous rappelle qu’on ne se souhaite pas des vœux . A ceux qui nous souhaitent tous leurs vœux, on devrait souhaiter, estime-t-il, un meilleur sentiment de la langue.

Émission proposée par : Pierre BENARD
Référence : mots639
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Ne m’en veuillez pas si je ne vous souhaite ni mes bons vœux, ni tous mes vœux, ni les meilleurs, ni des vœux de santé, prospérité, bonheur ... Bref, je ne vous souhaite aucun vœu. Ou plutôt si, je vous en souhaite, je vous souhaite des vœux. J’entends par là que je vous souhaite d’en recevoir, de ranger sur votre cheminée des dizaines de cartes illustrées portant des « Bonne année ! », « Happy new year ! », « Ein gutes neues Jahr ! », « Migliori auguri ! »



« Souhaiter des vœux », c’est désirer d’en recevoir. En « souhaiter » aux autres, c’est désirer qu’ils en reçoivent. Mais si je veux dire à quelqu’un, en ce mois où l’usage est d’exprimer de la bienveillance, que je souhaite qu’il traverse heureux les douze mois qui commencent, je dirai à cette personne que je lui présente mes vœux, que je lui offre mes vœux, que je fais, que je forme des vœux pour elle, et non que je lui souhaite tous mes vœux.



Je vous en présente, je vous en offre, j’en fais, j’en forme pour vous avec ferveur. Je vous en souhaite aussi, bien sûr, mais cela ne veut pas dire la même chose.



Nous pourrions, entre nous, échanger le souhait d’entendre et de lire un peu moins d’énormités. De ne pas lire, par exemple, « féérie » (avec deux accents, comme si on prononçait fé-é-rie) sur des affiches qui couvrent des milliers de vitrines.

Mais je reviens aux expressions toutes faites, comme ces « meilleurs vœux » que l’on « souhaite ».



Je ne vous dissimulerai pas que tous ces « meilleurs vœux », même sincères, même ardents, ne sont pas toujours efficaces. Certaines personnes sont mortes qui avaient, le premier janvier, reçu les vœux les plus cordiaux de leur famille affectueuse. Alors se produisent les obsèques et les condoléances, s’impriment les faire-part et les remerciements. Sur les remerciements on vous dit fréquemment que l’on vous sait gré des « marques de sympathie » que vous avez « témoignées ». On ne témoigne pas des marques, qui sont des témoignages, pas plus que l’on ne manifeste des manifestations, que l’on ne démontre des démonstrations, que l’on ne prouve des preuves ou que l’on ne signifie des signes.



Pour changer de domaine mais non pas de sujet, j’en ai un peu assez d’être invité, dans le métro parisien, à prendre garde à une « marche » qui est en réalité un espace, un intervalle entre le sol de la voiture et le quai. Les Anglais visitant Paris sont mieux traités : on leur signale un « gap », non un « step ». Et si un voyageur, victime de cet espace, se prend le pied entre voiture et quai, ce n’est pas, s’il vous plaît, « un accident voyageur », c’est « l’accident d’un voyageur ». Un « accident voyageur », c’est un accident qui voyage. Comme les épidémies.



Là-dessus, chers amis, je vous souhaite… non mes vœux mais une heureuse année.

Pierre Bénard






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