Bienvenue à la Villa Marguerite Yourcenar

Gisèle Bienne, Minna Sif et Eugenia Almeida racontent leur résidence au Mont-Noir
Marguerite YOURCENAR
Avec Marguerite YOURCENAR de l’Académie française,

Entrez dans l’univers de Marguerite Yourcenar grâce aux écrivains Gisèle Bienne, Minna Sif et Eugenia Almeida reçus en résidence en mai 2010. Elles évoquent l’académicienne et leur tendre émotion à vivre quelques instants dans cette incroyable demeure entourée de jacinthes, d’arbres millénaires et autres animaux sacrés ! Achmy Halley, le directeur, présente le lieu et les quelques grands noms que la maison vit passer.

Marguerite Yourcenar a passé les neuf premières années de sa vie en Flandre : l'hiver à Lille, dans l'hôtel particulier de Noémi, la grand-mère peu aimée qui habitait rue Marais (actuelle rue Jean-Moulin), l'été au mont Noir, ou sur la côte belge. Située à Saint-Jans-Cappel, la Villa Marguerite Yourcenar, au départ nommée Villa Mont Noir en référence à sa situation géographique, accueille chaque année depuis 1997 une quinzaine d'écrivains européens. Ce mois de mai 2010 elle abrite 3 femmes de grand talent, 3 femmes d'origine et de génération différentes dont vous écouterez les témoignages tour à tour :

- Gisèle Bienne : «Marguerite Yourcenar ou la liberté d'esprit»

Gisèle Bienne, auteur de poèmes et de romans (dont le fameux Marie-Salope publié aux éditions Climats en 1976), est sans conteste la plus expérimentée. Elle a obtenu deux prix littéraires ; écrit pour les adultes et pour les jeunes qu'elle rencontre dans les collèges et les lycées. Notons le thème de la grande guerre qui lui est cher mais aussi de la société en général. Pour elle, il ne fait aucun doute : «Quand j'ai découvert le lieu, cela a été un émerveillement !». Elle tente sa chance et se découvre choisie ; alors elle parsème son bonheur de quelques notes philosophiques : «Ce n'est pas un hasard si nous sommes là. On aurait pu ne pas faire ce qu'on tente de faire... On le réussit plus ou moins ; c'est toujours un travail. Être en résidence ici est comme un cadeau que le temps me donne.»

Le temps ? «Pour moi le temps ce n'est rien. 50 ans, 100 ans ce n'est rien. Marguerite Yourcenar savait voir le temps avec cette dimension.»

Ce que lui évoque Marguerite Yourcenar ? «On a toujours peur, on doute, on ne sait pas où on va. Et on garde cette sensibilité toujours à l'œuvre, forme de fidélité aux forces de l'enfance. C'est très important pour moi. Je me dis bien souvent : n'oublie jamais la petite Gisèle qui est en toi et quand je vois Marguerite Yourcenar je me dis que cet esprit libre qu'elle a toujours pratiqué c'est peut-être ce qu'il faut qu'on garde nous aussi et ce que j'ai moi, à ma mesure, essayé de garder.»

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- Minna Sif : «Marguerite Yourcenar ou la constance de l'écriture»

Minna Sif est née en Corse. Ses parents sont originaires du Sud du Maroc. Elle part vivre à Marseille avec sa famille. Le bouillonnement de langues qui agite sa vie donne un peu le «la» à sa vocation d'écriture. À la maison on parle Français, Berbère, Corse et Arabe dialectal. «L'écriture a toujours fait partie de ma vie. Je suis une enfant d'immigrés. Pour les enfants d'immigrés il arrive un moment où il est nécessaire d'être traducteur et interprète de ses parents qui sont analphabètes. J'ai écrit des courriers pour le Maroc et ailleurs... J'ai toujours été un passeur.» Nous lui devons, entre autre, Méchamment berbère (éditions Ramsay et Poche).

«J'ai lu Marguerite Yourcenar à l'adolescence et j'ai été frappé par son destin de femme. Elle s'est battue tout au long de sa vie pour préserver ce territoire extraordinaire de l'écriture et elle a fait ça avec une force et une constance que j'admire. J'essaye à mon niveau d'établir un chemin d'écriture avec une constance aussi ferme que la sienne.»

Au sujet des couleurs qui entourent sa vie : «Je suis une femme dont la vue a toujours été barrée par un rideau bleu (la mer d'Agadir, de la Corse et de Marseille) et là, sous mon nez, à présent, j'ai un rideau vert qui transforme mon regard. C'est comme un océan de sérénité...»

De cet océan, l'existence paraît célébrée... «Dans le fond, j'écris pour me dire que j'existe

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- Eugenia Almeida : «Marguerite Yourcenar ou l'entrée dans la culture française»

L'autobus, premier roman bref et intense, met en scène un village de l’Argentine rurale coupé par une voie ferrée qui sépare gens fortunés et petites gens. Ici, tout le monde se connaît, mais les rumeurs vont aussi

bon train… Eugenia Almeida dénonce le pouvoir, l’autorité et ses conséquences les plus perverses... Argentine, elle est l'enfant de la dictature de Pinochet, elle est la voix des oubliés. Simplement, patiemment et avec élégance, elle occupe l'espace du temps. Le lieu qui l'entoure à présent à Saint-Jans-Cappels est synonyme de voyage dans le rêve français mais aussi une forme de consécration. «Je mesure ma chance d'être accueillie dans un pays qui valorise autant la culture. En Argentine la culture française est très importante et nous sommes très fiers d'elle. Marguerite Yourcenar fait partie des incroyables écrivains que vous possédez, elle est pour moi une très grande dame. Passer du temps dans un lieu où elle a grandi me touche énormément.»

«Ah la France ! Ses écrivains prestigieux ! Me retrouver un temps parmi eux, quel bonheur !»

«Ici mon regard change presque tous les jours. Cela m'inspire beaucoup et je suis en train d'écrire mon troisième roman Cuerdas (Cordes). Peut-être finirai-je le roman dans ce lieu magnifique... je dois dire que mon rythme de travail y est formidable.»

«C'est les lectures qui me donnent envie d'écrire.»



Achmy Halley, le directeur de la Villa, nous présente à la fin le lieu et nous explique de quelle façon la maison sert à la reconnaissance du métier d'écrivain. Les dossiers sont expertisés par un jury de dix personnalités du monde littéraire européen et désignent quinze lauréats. Il ne s'agit pas d'un prix littéraire, mais de la reconnaissance d'une œuvre en train de se faire : c'est pour mener à leur terme des projets d'écriture que sont proposées des résidences d'un ou deux mois dans la propriété d'enfance de Marguerite Yourcenar. Les joyeuses funérailles de Ludmila Oulitskaïa, L'éternité n'est pas de trop de François Cheng ou Kétala de Fatou Diome sont nés de cette rencontre créative entre un écrivain et un lieu.

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