Jean Clair, de l’Académie française, les mots et les arts en égale passion

Rencontre avec l’académicien
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

Pour Jean Clair, ne pas posséder sa langue, c’est être exilé dans sa propre patrie. L’académicien né en 1940 dans un milieu de paysans dit son ivresse, toujours renouvelée, mois après mois, année après année, d’utiliser les mots et de les découvrir : "le plus grand trésor qu’on puisse posséder". Polyglotte, il ne défend pas la langue française mais la maîtrise envers et contre tout, dans le domaine de l’art qu’il connaît si bien, comme ailleurs.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : hab578
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Jean Clair a une double vision, « l’une résolument moderne, l’autre non moins farouchement critique de la modernité », selon les mots de Marc Fumaroli, son confrère au sein de l’Académie française où il a été élu le 22 mai 2008, au fauteuil de Bertrand Poirot-Delpech (39e fauteuil).

Il est historien de l’art, critique, conservateur général du patrimoine, et faut-il le préciser écrivain, homme de lettres, et même cinéaste.

Son expérience des musées, des expositions, et sa plume de critique, font de lui, un homme incontournable en France, dans le domaine de l’art aujourd’hui. Jean Clair présente en 2010, au musée d’Orsay, l’exposition Crime et Châtiment, dont il est le commissaire général. Le public se souvient de ses expositions : L’âme au corps en 1993, Mélancolie en 2005, et Les années 1930. La fabrique de « l’homme nouveau » en 2008.

Après des études de lettres et d’histoire de l’art, introduit dans le monde littéraire, il fut pendant vingt-cinq ans chroniqueur d’art de la N.R.F. Il exerça parallèlement un second métier en devenant conservateur des musées à partir de 1966 en occupant un premier poste au Musée national d'art moderne (MNAM) (1969-79). Il enseigna comme professeur à l'École du Louvre (1977- 1980) et devint conservateur du cabinet d'art graphique du Musée d'art moderne du Centre national d'art et de la culture Georges Pompidou (1980-1989). Il dirigea le musée Picasso de 1989 à 2005 et assuma la direction d'une des Biennale de Venise, dans les années quatre-vingt-dix.

Dans cette émission, il évoque sa fureur de voir notre société mépriser de plus en plus la richesse des mots et « la subtilité extraordinaire d'une grammaire qui nous permette de moduler tous les rapports complexes qui unissent les pensées entre elles ».

Il parle des séances de l'Académie française, de sa nécessité d'écrire, de sa lecture du moment au moment de cet enregistrement. Il décrit son épée d'académicien, une petite lame dont le pommeau est occupé par deux têtes de Méduse, entre ces deux têtes accolées, est incrusté un petit polyèdre irrégulier en cristal de roche qui rappelle celui de la Mélancolie de Dürer. Il a choisi d'y faire graver une devise qu'il a trouvée un jour sur le fronton d'une maison écroulée à Torcello, dans la lagune de Venise : Et si omnes, ego non : si tout le monde y va, moi je n'y vais pas, si tout le monde le dit, moi je ne le dis pas. Cette devise le séduit par son ambiguïté. Expression d'orgueil d'un engagement moral pour celui qui la prononce, elle fait référence à la formule prononcée par l'apôtre Pierre avant l'arrestation du Christ qu'il renie finalement face aux Romains. Elle fut reprise par des résistants allemands contre le nazisme à un moment où les Allemands votaient très massivement pour Hitler.

Il donne sa définition de l'expression "art contemporain", parle des artistes qu'il admire, du marché de l'art, et nous livre sa vision de la fonction des musées d'aujourd'hui, de l'art, de son enseignement, des villes musées et de Venise.

- Écoutez aussi Jean Clair sur Canal Académie dans les émissions ci-dessous :

- Réception de Jean Clair, de l’Académie française, sous la Coupole
- Balthus par Jean Clair, de l’Académie française
- Jean Clair : Crime et Châtiment

Jean Clair
© Louis Monier


Pour en savoir plus

- Jean Clair, de l'Académie française,
- Parmi ses livres :

-* La tourterelle et le chat-huant, Gallimard, 2009
-* Malaise dans les musées, Flammarion, 2008
-* Du surréalisme considéré dans ses rapports au totalitarisme et aux tables tournantes, Mille et une nuits, 2003
-* Court traité des sensations, Gallimard, 2002
-* Méduse, contribution à une anthropologie des arts visuels, Gallimard, 1989
-* Le voyageur égoïste, est paru en format poche dans La Petite bibliothèque Payot, n° 364.

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