Un billet de Nouvelle-Zélande : Akaroa, havre français de l’ile du sud

Par Françoise Thibaut, correspondante de l’Institut
Avec Françoise THIBAUT
Correspondant

Akaroa, petit hameau français au sud de la Nouvelle-Zélande, est aussi un lieu de richesses culturelles et visuelles. Un paradis à l’autre bout du monde que nous fait découvrir Françoise Thibaut dans ce nouveau billet en provenance de Nouvelle-Zélande.

Émission proposée par : Françoise THIBAUT
Référence : chr792
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On ne peut aller plus loin : c’est l’antipode de la France. L’île Sud de la Nouvelle-Zélande. Au-delà, il n’y a rien que l’Antarctique et sa blancheur glacée, ou bien il faut s’élancer dans l’espace, faire le tour de la boule, revenir sur ses pas. La Nouvelle-Zélande, par son isolement et son caractère lointain, longtemps inatteignable, est restée très originale, peu peuplée. L’île du Nord est la plus habitée avec sa capitale Auckland au nord, Wellington au sud… On reste entre soi : en tout un peu plus de 4 millions d’habitants : tout le monde se connaît. C’est terriblement anglo-saxon, mais bon enfant, plus décontracté, sportif, high tech et maritime, avec ce léger grain de folie que les sujets de sa Royale Majesté ont contracté dans l’hémisphère austral ; presque tout le monde a un voilier. Sinon on s’adonne à l’élevage du mouton, à la culture du kiwi et de la pomme, au rugby, dans lequel tout vêtu de noir, on est les meilleurs du monde. Le peuplement fut ici volontaire - point de bagne - ce qui fait toute la différence. Les missions chrétiennes furent très actives auprès des Maoris divisés qui opposèrent peu de résistance et furent nombreux à être convertis et vite assimilés. L’exil volontaire dans ces terres lointaines fut fréquent à partir de 1840, car la réputation de richesse des terres, de prospérité fut immédiate, de même que l‘agrément du climat et l‘abondance des cétacés .

Christchurch

L’île du Sud, encore plus lointaine, à l’abord difficile, peu peuplée, est restée très naturelle, sauvage, d’une imposante beauté ; montagneuse, herbeuse, dotée de lacs glaciaires d’un bleu inégalable, elle rappelle à la fois les Alpes et l’Ecosse : les vaillants porteurs de kilts s’y sont d’ailleurs tout de suite sentis chez eux et s’y sont installés en nombre, pratiquant des jeux tels que les concours de lancer de tronc d’arbres, de tontes de moutons et de cuites du vendredi soir… La capitale est Christchurch - tout un aveu - copie symbolique d’Oxford, dont l’ université des antipodes a grande réputation : églises et temples abondent, la rivière Avon accueille de pacifiques rameurs, au détour des ponts ; on croise statufiés Victoria et Cook, mais aussi Churchill, Scott qui ne revint jamais du pôle sud et sir Edmunt Hillary.

James Cook

La Nouvelle Zélande, visitée par Cook seulement en 1770, fut d’abord incorporée à la Nouvelle Galle du Sud de l’Australie en 1788, mais en fut séparée par le Traité de Waitangi en 1840. Autonome en 1852, Dominion en 1907, puis indépendante en 1947, la Nouvelle-Zélande s’illustra en politique en étant la première nation à donner le droit de vote aux femmes, à l’échelon national, aux élections de 1893 : non pas pour les contenter, mais afin de pouvoir atteindre le nombre suffisant d’électeurs locaux permettant d’affirmer son autonomie et de ne plus dépendre des volontés de Londres.

Péninsule de Banks
© NASA

Dans cette sorte de paradis agreste et britannique : un havre français perdure dans l ‘île du sud : Akaroa, le long de la Péninsule de Banks, ainsi nommée en hommage au naturaliste Sir Joseph Banks : Etablie sur les cratères de deux volcans effondrés, la péninsule offre un aspect très particulier, avec des fjords profonds, abris idéaux pour les navires. Le site est d’une grande beauté. En 1838, en dehors des traités officiels, un capitaine de baleinier français, Jean Langlois, négocia un accord particulier avec le chef Maori local, obtenant la concession de 12.000 hectares ; de retour en France, il forma la Compagnie Nanto-bordelaise qui organisa l’émigration des 57 premiers colons embarqués sur le Comte de Paris, escorté du navire de guerre L’Aube commandé par le capitaine Charles Lavaud. Mais au terme de leur long voyage, les Français durent admettre la souveraineté britannique. Un accord fut trouvé et en 1850, une colonie britannique vint rejoindre les Français. Ainsi naquit une enclave française qui prospéra et continue aujourd’hui.

Church of St Patrick (1864)


Akaroa vit la construction de la première église catholique de l’île du sud en 1864 ; les maisons de bois à un étage, avec des vérandas, s’étalent le long du rivage, agrémentées d’une profusion de roses, de lavandes et de géraniums. On y a importé le lilas et le drapeau tricolore flotte sur la poste. Un émouvant petit cimetière de pionniers créé en 1842, rappelle la mémoire des premiers arrivants ; il est possible qu’Akaroa ait également été un refuge pour des bonapartistes en délicatesse avec la Restauration : en effet le premier des arbres ornant le cimetière fut un jeune saule pieusement rapporté de Sainte Hélène. La circulation se fait à bicyclette et dans la Rue Jolie, le restaurant Ma Maison offre un résumé de cuisine dite « française ». Le mélange humain est savoureux car des Asiatiques, des Allemands, tout comme les descendants des premiers émigrants font vivre cet îlot français connu pour son originalité : Akaroa est une station d’été austral réputée : l’artère principale - la rue Lavaud - égrène estaminets et boutiques aux noms évocateurs : « ça va », «c’est la vie» , « ça bouge ». Rue Benoit le petit Musée Langlois-Eteveneaux rappelle l’histoire étonnante de ce morceau de France perdu dans le Pacifique antarctique. Une propriété viticole (the French Farm Vinery) reçoit des hôtes, offre un pinot noir délicieux pour accompagner du confit de canard. Chaque année les 10 et 11 octobre la Fête Française est prétexte à reconstitution et joyeuses agapes en costumes d’époque. Tout cela n’est pas vraiment intellectuel, mais bien culturel, et profondément joyeux et amical…

Akaroa museum

Pour plus d’info :

- Visitez le site www.akaroa.com

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