Europe : Sur la plage un taureau...

Mot pour mot, la rubrique de Jean Pruvost
Avec Jean Pruvost
journaliste

L’Europe, Europe, voilà un mot qui sonne agréablement et qui aurait pu constituer aussi un bien joli prénom, car ce fut d’abord le nom d’une belle jeune fille dans la mythologie, tout comme Vénus, Ariane ou Diane. Une jeune fille et un pays, c’est donc une histoire qui mérite d’être contée.

Émission proposée par : Jean Pruvost
Référence : mots657
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_ En fait, la première fois qu’on évoquera l’Europe, c’est la jeune fille et le pays qui furent à l’honneur. C’est en effet en 1571, que Maurice de La Porte, déjà croisé, écrit une sorte de dictionnaire ayant pour objectif d’offrir de multiples adjectifs à quelques centaines de mots qu’il a choisis, et parmi ces mots - des mots comme vin, loup, nuit, jour, soleil, etc., se trouve justement le mot Europe.


Quels adjectifs sont alors proposés ?
« Europe riche, féconde, agénoride – je vais y revenir – populeuse, belle phénicienne – il va falloir aussi l’expliquer –, excellente, fructueuse, tempérée, salubre.»

Que l’Europe soit riche, féconde, populeuse et fructueuse, ne surprend pas, même si, à y mieux regarder, toutes ces épithètes sont très valorisantes…, on est déjà fier d’appartenir au vieux continent : l’Europe se sent tout simplement belle et excellente.

Qu’elle soit tempérée et salubre, correspond aussi sans surprise au climat qui n’est d’évidence ni tropical ni polaire, et par conséquent très appréciable.
Mais que l’Europe soit agénoride et phénicienne mérite en revanche explication. Il faut solliciter ici la mythologie, et peut-être se souviendra-t-on alors que l’adjectif agénoride, aujourd’hui disparu, dérive d’un nom propre, Agénor, roi de Tyr et descendant direct de Neptune, et surtout père d’une belle jeune fille : Europe. Or Agénor devint roi de Phénicie, d’où la belle Europe présentée comme la « belle phénicienne»
Ici la mythologie fait son entrée.

Europe, qui étymologiquement signifie semble-t-il « vierge aux larges yeux », jouait sur la plage lorsque Zeus, alias Jupiter, l’aperçut, et dans l’instant, souhaita l’enlever. Il se mue alors en taureau, d’une éclatante blancheur, s’approche de la belle et se couche doucement à ses pieds. Le moment d’effroi passé, la délicieuse Europe s’enhardit, caresse l’animal et s’assoit sur son dos. Erreur ! Le taureau emporte alors Europe qui se cramponne à ses cornes, tous deux pénètrent dans les flots et parviennent jusqu’en Crète auprès d’une source où ils s’unirent. Son arrivée sur cette nouvelle terre ferme, loin de la Phénicie, constitua l’une des origines avancées pour la désignation du territoire ainsi touché. Le sol qu’elle foula et qui s’étalait au Nord pouvait porter son nom.

Pareil enlèvement a enchanté des générations d’Européens et tout particulièrement les Français. Il faut l’avouer, le mot Europe a jusqu’au XIXe siècle évoqué autant un territoire qu’un symbole sexuel illustré par une foule de peintres : la belle enlevée par un taureau impétueux.


Ne jamais oublier la mythologie grecque ! Heureusement, les fabricants de pièces gardent la mémoire. Quelle scène est en effet représentée sur la pièce grecque d’un euro[[l'auteur fait ici allusion à la pièce grecque de deux euros]] ? La belle Europe assise en amazone sur Zeus mu en taureau...

Texte de Jean Pruvost


Jean Pruvost est professeur des Universités à l’Université de Cergy-Pontoise et où il enseigne la linguistique et notamment la lexicologie et la lexicographie. Il y dirige aussi un laboratoire CNRS/Université de Cergy-Pontoise (Métadif, UMR 8127) consacré aux dictionnaires et à leur histoire.

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