La génétique et l’immunologie pour mieux comprendre l’homme. Colloque Regard sur l’homme contemporain (1/2)

Par Bérénice Tournafond, François Gros et Edgardo Carosella, membresde l’Académie des sciences
François GROS
Avec François GROS
Membre de l'Académie des sciences

François Gros et Edgardo Carosella évoquent au cours de leurs communications les différents visages de notre identité biologique : ce qui nous rapproche et ce qui nous différencie, ce que le corps humain intègre et ce qu’il rejette. L’organisatrice de cet événement Bérénice Tournafond nous explique en préambule l’intérêt de mieux comprendre les comportements humains. Ces interventions se déroulaient dans le cadre du colloque « Regard sur l’homme contemporain à travers la science, la morale et la politique », dont le premier volet sur la science avait lieu en juin 2010 à l’Institut de France.

« Regard sur l’homme contemporain à travers la science, la morale et la politique », est un colloque organisé en trois cessions par Bérénice Tournafond, et sous la direction scientifique d'Edgardo Carosella, François Gros, et François Terré.

Au cours de ses nombreuses conférences, médecins, philosophes et juristes comptent mettre en commun leurs connaissances pour répondre à l'une des questions phare de cette thématique : Comment améliorer une société où se développe perte de lien social, manque de confiance et malaise sur le plan politique, économique et social ?

Le 7 juin 2010, avait lieu le premier volet « Regard sur l'homme contemporain à travers la science ». Canal Académie vous en propose la retransmission en deux parties.
Dans cette première partie, retrouvez les interventions de Bérénice Tournafond, de François Gros et Edgardo Carosella.

Dans la deuxième partie La psychologie cognitive et le rapport sience/politique pour mieux comprendre l’homme. Colloque Regard sur l’homme contemporain, écoutez Olivier Houdé et Laurent Degos.


Introduction au colloque
Par Bérénice Tournafond organisatrice du colloque Regard sur l'homme contemporain à travers la science, la morale et la politique.

« L’organisation de ce colloque se relie comme tant d’autres aujourd’hui au caractère extraordinairement aléatoire et imprévisible des émotions et des réactions humaines sous l’effet de la technologie, de la mondialisation et de la remise en compte des équilibres planétaires.
De là est venue l’idée de mieux élucider ce qui est à l’origine de nos émotions, de la psychologie et plus généralement des comportements humains.
Le sujet couvre évidemment un domaine scientifique vaste puisque nos émotions, nos comportements concernent aussi bien la biologie que la médecine, la philosophie, le droit, la sociologie,… Et depuis un demi-siècle, des découvertes scientifiques fondamentales montrent l’importance d’avoir une vision « intégrative », multidisciplinaire de l’Homme pour mieux étudier ses émotions et
ses réactions.

Cette vision globale qui nous permet de mieux comprendre l’Homme dans sa complexité, son individualité, son sens du « collectif », est sans doute ce qui nous aidera à mieux faire face aux grands bouleversements auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés.
Car au confluent de toutes ces disciplines, nombre de choix de vie sont guidés par nos émotions et ne sont pas nécessairement rationnels.
Surtout lorsqu’ils sont fondamentaux comme les croyances religieuses, les convictions politiques, toutes les passions humaines, … et tout en sachant qu’ils évoluent en permanence et dépendent d’une multitude de facteurs qui peuvent être interne ou extérieur à l’individu, liés à la constitution physique de l’être, ou encore à sa morale et à l’organisation sociale et politique. »


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Génétique et individualité
Par François Gros, biologiste, secrétaire perpétuel honoraire de l'Académie des sciences.


Vénus de Brassempouy, la plus ancienne représentation d’un visage humain

« Nous sommes à la fois tous parents et tous différents. C’est la particularité de notre identité biologique » résume François Gros.
L’Homo sapiens comprend aujourd’hui pas moins de 6 milliards d’êtres humains
Et nous possédons une séquence chimique des ADN identique à 98,8% des cas. Nous sommes donc tous parents. Et puis, comme le précise le professeur François Gros « notre espèce est apparue il y a environ 300 000 ans. Elle a de ce fait peu évolué à l’échelle du temps, là où une évolution se remarque sur plusieurs millions d’années ».

Cependant, de petites mutations nous différencient, des modifications épigénétiques (des modifications qui ne sont pas codées par la séquence d'ADN ; leur transmission au cours des divisions peut s'effectuer de manière non héréditaire). Certaines mutations jouent un rôle dans les cancers. D’autres peuvent modifier notre comportement : « c’est le cas dans les maladies neurodégénératives par exemple » précise l’intéressé. Chez les drosophiles, on a observé que les mutations pouvaient modifier leur comportement sexuel ainsi que leur instinct maternel.

Mais le généticien François Gros retient surtout que sa discipline a permis d’abolir l’idée de race ethnique.


Soi et Non Soi, Immunologie et Identité
Par Edgardo D. Carosella, correspondant de l’Académie des sciences, Vice-Président du Centre d'Études du Polymorphisme humain, Directeur de recherche CEA, Chef de service à l’hôpital Saint-Louis.


Le professeur Edgardo Carosella travaille depuis de nombreuses années sur le soi et le non-soi ; en d’autres termes : qu’est-ce que le corps humain peut intégrer d’étranger à lui (les bactéries dans l’intestin, le fœtus chez la femme enceinte) et que combat-il (les virus, la transplantation d’un corps étranger…) ?

Edgardo Carosella considère qu’il existe cinq types de « soi » :

- Le soi peptidique : les cellules du corps humain infectées par un virus sont détruites par les lymphocytes NK, Natural Killer
- Le soi individuel : les cellules étrangères sont détruites (dans le cas de transplantation par exemple)
- Identité adoptée : le soi se redéfinit lorsque l’on force le corps à accepter la transplantation
- Le soi emprunté : le lymphocyte T (qui intègre le non soi à la différence du NK) peut devenir tolérant. C’est le cas de la grossesse ; Le corps de la femme enceinte va exprimer le des lymphocytes T. Elle ne va donc pas rejeter le corps de son enfant. Tout ceci est possible grâce un antigène du soi : l’antigène HLA G.

On peut observer chez la femme enceinte des rougeurs sur le corps : il s’agit de cellules de l’enfant qui se sont infiltrées dans la peau de la future mère. En dehors de l’enveloppe du fœtus, ces cellules sont combattues par les NK.
A savoir, la mère ne se sépare plus des cellules de son enfant, mais 30 ans après.

- L’identité dynamique : en immunologie, l’identité de l’individu est changeante. Elle évolue avec le temps et les événements de la vie.

Écoutez leurs communications donnée le 7 juin 2010 à l'Institut de France. Et poursuivez par la deuxième partie La psychologie cognitive et le rapport sience/politique pour mieux comprendre l’homme. Colloque Regard sur l’homme contemporain avec Olivier Houdé et Laurent Degos.

En savoir plus :


- François Gros, membre de l'Académie des sciences
- François Gros sur Canal Académie

- Edgardo Carosella correspondant de l'Académie des sciences
- Edgardo Carosella sur Canal Académie

Bérénice Tournafond est l'organisatrice du colloque.

Mieux comprendre la façon dont nous fonctionnons et tout particulièrement l’incidence de nos émotions sur notre corps et sur nos relations à autrui afin de connaître nos aspirations profondes et lutter contre la violence, la jalousie, la haine et plus généralement toutes les émotions destructrices, tel est l’enjeu de cette réflexion multidisciplinaire sur l’homme contemporain examiné à travers la science, la morale et la politique.
Bérénice Tournafond, organisatrice de cette manifestation, souhaite donner une vision globale, intégrative de l’homme contemporain en révélant les liens d’interdépendance entre cet homme, son corps, sa morale ainsi que son environnement politique économique et social. Ce sont sans doute ces nouvelles connaissances qui permettront de surmonter les grands bouleversements à venir du XXIe siècle.
En effet, la biologie apprend de mieux en mieux comment accéder individuellement au bien être physique et psychique rejoignant parfois sur bien des points la science morale. Or les sciences politiques et juridiques, parce qu’elles ont pour objet l’organisation collective et sociale, ont également un rôle décisif à jouer en intégrant ces découvertes nouvelles. D’une part, pour déjouer les pièges redoutables que recèle le développement exponentiel de l’humanité. D’autre part, pour tenter d’améliorer sur des bases objectives et non plus idéologiques la société toute entière et tenter d’atteindre ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui « le bien être social ».


Bérénice Tournafond est juriste, diplômée d’étude supérieure en droit, chargée d’enseignement à l’Université de Paris XII et chef d’entreprise. Elle anime depuis plusieurs années, avec la participation d’académiciens, d’universitaires et de professionnels, un groupe de réflexion sur le système politique économique et social avec la préoccupation principale de replacer l’Homme au cœur de ces sujets et de lui redonner dans la société une place qui soit conforme à ses aspirations profondes.
Elle a organisé plusieurs colloques sur l’identité, la justice, le logement, la médecine, la participation à la vie politique… Elle réfléchit entre autres sur l’incidence émotionnelle du droit et des systèmes politiques sur l’homme.
Elle est l’auteur de plusieurs articles et coauteur de l’ouvrage « La démocratie d’apparence » édité par François Xavier de Guibert.



- Les prochains colloques sur la morale et la politique auront lieu à l'automne 2010. Informations pratiques et inscriptions sur http://hommecontemporain.org/
Ouvert au public, entrée libre, inscription indispensable.



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