Quand Goethe lisait Montesquieu, Schiller les écrits de Rousseau, Lessing le théâtre de Diderot...

Influence des lettres françaises sur les écrits des Romantiques allemands, avec Michael Paraire
Avec Anne Jouffroy
journaliste

La lecture comparée de Lessing (1729-1781), Goethe (1749-1832) et Schiller (1759-1805) montre à quel point, dans cette période, aucune réflexion ne pouvait plus s’élaborer en Europe hors de la connexion avec d’autres pensées. Goethe fut un lecteur enthousiaste de Montesquieu, Lessing de Voltaire et Diderot, Schiller un fervent partisan de Rousseau et de la Révolution française. Les lettres allemandes se sont nourries de leur dialogue avec les lettres françaises. Michael Paraire, directeur des Éditions de l’Épervier, Collection "Les écrivains engagés", présente son ouvrage Goethe, Schiller, Lessing, Écrits sur les Lumières et la philosophie de l’histoire. Il est l’invité d’Anne Jouffroy.

Émission proposée par : Anne Jouffroy
Référence : pag946
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Les Éditions de l’Épervier, à la recherche de beaux textes oubliés ou en danger de l’être, et dont la rareté fait tout le prix, redonnent à lire, par des regroupements riches de sens, des œuvres que la tradition scolaire ou des modes passagères ont laissées de côté.

Contrairement aux idées reçues, le romantisme allemand ne fut pas nécessairement conservateur, réactionnaire et hostile aux Lumières.

Lessing et le théâtre de Diderot

Dramaturge et critique littéraire redouté, Lessing fut le promoteur de l’esprit des Lumières en Allemagne.

Il traduisit et publia, en 1760 pour la première fois, le théâtre complet de Diderot en allemand. En 1781, il publia une deuxième édition du théâtre de Diderot, dans la préface de laquelle il exprima tout ce qu’il lui devait. Il mourut juste après, le 15 février.

Opposé au théâtre classique de Corneille et de Racine, qu’il trouvait ennuyeux et invraisemblable, Lessing donna « le drame bourgeois » -nouveau genre théâtral mis en scène par Diderot- comme modèle pour le développement d’un théâtre national allemand.




Goethe et la philosophie française

L’image de Goethe fut brouillée par Les Souffrances du jeune Werther, au début du romantisme, et par son appartenance au Strum und Drang (Tempête et Élanen français).

Goethe fut, en fait, un fin connaisseur des philosophes des Lumières et un de leurs admirateurs.

Lorsqu’un exemplaire manuscrit du Neveu de Rameau de Diderot, jamais publié en aucune langue, fut présenté à Schiller par un ami qui le lui avait rapporté de Saint-Pétersbourg, il le fit connaître aussitôt à Goethe. Celui-ci prit la décision de le traduire et d’y ajouter quelques notes. Ainsi, Goethe, le premier, fit découvrir ce texte au monde, et même aux Français qui en ignoraient jusqu’à l’existence.
La traduction et la présentation du texte de Goethe (en 1805) eut un tel retentissement en Allemagne que Hegel en fit son livre de chevet.

Schiller, Rousseau et la Révolution française

Michael Paraire,  directeur des Éditions de l’Épervier

Schiller, admirateur de Rousseau, fut très clairement républicain et favorable à la philosophie française. Le 26 mai 1789, Schiller, tout juste nommé professeur d’histoire à l’Université d’Iéna, prononça son discours d’investiture académique : Discours sur l’histoire universelle. Dans cette fresque grandiose, analysant le thème du progrès et de la liberté, il illustra l’esprit des Lumières, dont il était profondément pénétré. Il rompit radicalement avec l’explication des évènements par la Bible développée par Saint Augustin dans La Cité de Dieu ou par Bossuet dans son Discours sur l’Histoire Universelle. Désormais, l’homme remplacerait Dieu comme sujet rationnel, actif, moteur de l’histoire.

En 1792, Schiller fut nommé « citoyen d’honneur » par la Convention nationale en reconnaissance de ses écrits contre le despotisme et pour la liberté des peuples.

La théorie hégelienne de la réalisation de la raison dans l’histoire dut beaucoup aux idées exposées par Schiller dans son discours d’investiture.

Et Michael Paraire de conclure : « Il ne faut pas confondre la première vague du romantisme allemand, encore liée à l’esprit des Lumières, avec la deuxième vague qui va, clairement, rompre avec lui (Novalis, etc). Les textes que nous avons traduits et regroupés montrent la complémentarité des grands auteurs par-delà leurs oppositions. Je souhaite, par ailleurs, que ces grands écrivains trop « embaumés » de nos jours, soient relus avec « gourmandise ». Pourquoi ce purgatoire immérité ? Les lecteurs seraient enchantés par la finesse de la pensée –cela va de soi- mais aussi par la vivacité du style. »

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