Jacques Chaban-Delmas vu par le sculpteur Jean Cardot de l’Académie des beaux-arts

L’académicien présente son œuvre la plus récente
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

À quelques jours de l’installation définitive de sa dernière sculpture en bronze le 12 novembre 2012 à Bordeaux, le sculpteur Jean Cardot livre ses impressions au micro de Marianne Durand-Lacaze sur la dernière de ses créations. Après De Gaulle, Churchill, Jefferson, le sculpteur s’est attaqué à une autre grande figure politique, Jacques Chaban-Delmas à la demande de la ville de Bordeaux.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : carr925
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En 2006, la mairie de Bordeaux décide de rendre hommage à l’ancien maire Jacques Chaban-Delmas (1915-2000) en faisant ériger une sculpture à son effigie. L’homme a activement participé à la Résistance, en particulier dans le renseignement sur l’industrie. Reçu au concours de l'inspection des Finances en mars 1943, en octobre de la même année, il devient "Chaban" et entre à la Délégation militaire du Comité français de la Libération nationale (CFLN). Compagnon de la Libération, figure gaulliste, il est élu député de la Gironde en 1946 et maire de Bordeaux en 1947. Plusieurs fois ministre sous la IV e République, il est élu à la présidence de l’Assemblée nationale en 1958, réélu en 1962, 1967 et 1968. Premier ministre (1969-1972) sous le mandat de Georges Pompidou, il est contraint à la démission par le Président de la République, jugé trop progressiste pour son projet de « Nouvelle société ». Il échoue à la présidentielle de 1974 et retrouve « le perchoir » de 1978 à 1981 et de 1986 à 1988.

Jean Cardot, Jacques Chaban Delmas, bronze, 2012, Fonderie de Coubertin, 5 novembre 2012
© Marianne Durand-Lacaze\/Canal Académie


A la tête de la mairie de Bordeaux, l’homme politique est constamment réélu de 1947à 1995 sous l'étiquette de l'Union pour la nouvelle République (UNR), puis de l'Union démocratique pour la Ve République (UDR) et enfin du Rassemblement pour la République (RPR).

En 1995, à l'âge de 80 ans, Jacques Chaban-Delmas décide de ne pas se représenter à la mairie de Bordeaux et soutient alors le candidat RPR, Alain Juppé, qui lui succède. À partir de là, il se retire progressivement de la vie politique et décède en 2000.

Outre ses mandats électifs et ses fonctions exécutives, l’homme était également un sportif de haut niveau : international de rugby au lendemain de la guerre et finaliste double messieurs aux championnats de France de tennis en 1965, puis champion du double messieurs aux Internationaux de France (catégorie vétérans) en 1970.

En 2007 la mairie lança le concours pour une sculpture de Jacques Chaban-Delmas. Parmi les propositions présentées, le jury désigna Jean Cardot de l’Académie des beaux-arts dont une partie de l'œuvre est consacrée à la sculpture de grandes figures de l'histoire, De Gaulle, Churchill, Jefferson, pour mener à bien ce projet. Le contrat de l'artiste est signé en mars 2008. Jean Cardot se met immédiatement au travail et réalise plusieurs études. Dix maquettes sont nécessaires pour aboutir à la figure d'un Chaban en action, en mouvement, habillé d'un imperméable qu'il tenait des Anglais pour son action auprès du général De Gaulle pendant la guerre. Immortalisé dans un mouvement de marche, le regard droit, la sculpture est imposante mais dynamique, un point essentiel aux yeux du sculpteur.

Jean Cardot, Jacques Chaban Delmas, bronze, 2012, Fonderie de Coubertin, 5 novembre 2012
© Marianne Durand-Lacaze\/Canal Académie


Jacques Chaban-Delmas a mené une carrière politique mouvementée, qui lui valut de nombreuses attaques. La longévité exceptionnelle de son mandat à la tête de la mairie de Bordeaux méritait qu’un hommage lui soit rendu.

Douze ans après sa mort, la sculpture monumentale qu'a créée Jean Cardot rend hommage à l’homme politique, au résistant, et au ministre que fut Jacques Chaban-Delmas. Elle mesure 3 mètres 20 de haut et pèse 1100 kilos sur un socle de 50 centimètres.

Jean Cardot, Jacques Chaban Delmas, bronze, 2012, Fonderie de Coubertin, 5 novembre 2012
© Canal Académie


Le 5 novembre 2012, Jean Cardot offrait au micro de Canal Académie un moment très rare que les sculpteurs peuvent appréhender. La sculpture est considérée achevée, c'est-à-dire, que le bronze sorti du four a été soumis à l’étape de la ciselure puis à celle de la patine. Plusieurs ouvriers se sont succédé au cours de ses étapes décisives pendant plusieurs jours, jusqu’à l’effet voulu par l’artiste. Des heures de travail ont été nécessaires. La Fonderie de Coubertin est l’une des très rares en France et en Europe, à pouvoir offrir à des clients qui viennent du monde entier une qualité pareille. Pour l’artiste, c’est la première fois que la sculpture est montrée à des personnes qui n’ont pas suivi les étapes successives qui ont conduit à sa forme finale. Jean Cardot avoue ce jour-là : « j’espère qu’on va le reconnaître ». Aucun doute pour celui qui la voit et la regarde. Il y a plusieurs manières de voir une sculpture. Le point de vue d’origine de celui qui la regarde détermine l’image qu’il se fait de la sculpture. Tourner autour, s’approcher ou s'en s’éloigner, permet de la découvrir autrement : un jeu, un rapport à l’espace qui offre autant de variations qu’il existe de regards.

Satisfait du résultat, exerçant sur son propre travail le regard du professeur de sculpture qu’il a aussi été pendant des années au Cours de la Ville de Paris, Jean Cardot demande aux visiteurs de passage à la Fonderie, leur avis ou leur impression : Qu’est-ce que vous en pensez ? .

Lorsqu’un rayon de soleil vient caresser la sculpture au fond de l’atelier, ce jour gris de novembre, l’œuvre apparaît encore sous un jour nouveau. Dans ce reportage, vous entendrez donc le sculpteur Jean Cardot au micro de Marianne Durand-Lacaze, et Carlos Feirrera, le patineur qui connaît et travaille avec l’académicien pour la quatrième fois sur les grandes sculptures de l’artiste. En 2008, le contrat entre la ville de Bordeaux et le sculpteur est signé pour la commande de l'œuvre à la suite de l’appel d’offre pour la sculpture, remporté par Jean Cardot.

Jean Cardot de l’Académie des beaux-arts, Fonderie de Coubertin, 5 novembre 2012
© Marianne Durand-Lacaze\/Canal Académie

Maurice Druon (1915-2009), de l’Académie française, l’auteur des Rois Maudits, ministre de 1973 à 1974, résistant ayant rejoint Londres en 1943, est comme chacun sait, l’auteur du Chant des Partisans mis en musique par Anna Marly. Jean Cardot confie que Maurice Druon lui a dit lorsqu’il est venu le voir : Cher ami, j’espère que vous avez représenté Chaban avec l’imperméable que l’armée anglaise lui avait offert et qu’il ne quittait jamais. Cardot reprit ses maquettes et décida alors de camper un Chaban-Delmas en imperméable, un défi qu’esthétiquement en sculpture, il trouvait intéressant.

Une rupture du talon d’Achille l’obligea à repousser la réalisation de la sculpture. Au final, il fera dix maquettes avant de trouver la meilleure manière de rendre le dynamisme et la vitalité de l’homme politique. Jean Cardot voulait le montrer en marche et révéler son dynamisme intérieur. La tête lui posa problème momentanément puis il trouva le juste équilibre entre les formes et l’intériorité du personnage.

Dans cette émission, le sculpteur s’exprime surtout sur son processus de création.

Vous l'entendrez dans un lieu qu'il connaît depuis près de 30 ans, la Fonderie de Coubertin dans les Yvelines, haut lieu d’excellence du savoir-faire des métiers d’art, présenter donc sa dernière œuvre, la sculpture de Jacques Chaban-Delmas.

Jean Cardot de l’Académie des beaux-arts (à gauche) et Carlos Feirrera, Fonderie de Coubertin, 5 novembre 2012
© Marianne Durand-Lacaze\/Canal Académie

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