Sens et puissance du salafisme dans le monde arabe

par Bernard Rougier, une communication à l’ACADEMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES

Qu’est-ce que le salafisme, ce courant musulman qui rencontre beaucoup de succès aujourd’hui dans le monde arabe ? En quoi se distingue t-il d’autres courants comme les Frères musulmans ou le wahhabisme ? Le salafisme est le sujet traité par Bernard Rougier, dans la communication qu’il a donnée à l’Académie des sciences morales et politiques devant les académiciens réunis en séance le lundi 5 novembre 2012. L’intervenant invité a intitulé sa communication « Sens et puissance du salafisme dans le monde arabe ».

Bernard Rougier est directeur du Centre d''études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej) du Caire, auteurs de plusieurs ouvrages qui font autorité.

-Rappelons que le texte ci-dessous n'est qu'un résumé de la communication et qu'il convient d'écouter l'intervenant pour connaître les précisions, les nuances et les indications qu'il a données.

Il a d'abord rappelé que le mot "salaf" désigne les premiers compagnons du Prophète, les pieux ancêtres qu'il convient d'imitier :"les salaf, ce sont les ancêtres, et le salafisme est donc le retour à la communauté des premiers musulmans et aux deux sources de l'Islam : le Coran et la Sunna. Le salafisme moderne est lié à une courant de l'Islam qui remonte à la création de l'école juridique conservatrice d'Ibn Hanbal au IXe siècle".

Il a ainsi détaillé le "hanbalisme", puis le wahhabisme, courant né d'un hanbalite du XVIIIe siècle, le lettré Ibn Abd El-Wahab qui a fondé un courant littéraliste rejetant l'exercice de la raison dans la lecture des textes sacrés. Le wahhabisme condamne notamment le soufisme et le culte des saints. Il est actuellement la doctrine officielle de l'Arabie saoudite.

Il a également expliqué qu'on ne peut comprendre le salafisme sans comprendre ce que sont les Hadith, source fondamentale de compilation sans cesse étudiée, relue, remise à jour par rapport à la vie quotidienne.
Le salafiste se sent meilleur musulman et accède ainsi à l'élite de l'Islam. Car les salafistes considèrent que le message divin a été dévoyé et qu'il doit être restitué dans sa pureté originelle.
Bernard Rougier a donc situé ce courant, cette dynamique qui rencontre aujourd'hui un vif succès, par rapport à d'autres courants, notamment les Frères musulmans (jugés trop "modernistes"). Mais il a aussi indiqué que le salafisme lui-même peut se diviser en deux courants, un conservateur et un djihadiste.

- les conservateurs, qui sont majoritaires, prônent le respect du pouvoir en place, la loyauté vis à vis de l'autorité, préférant conseiller "un prince injuste" plutôt que risquer une guerre civile (fitna). Ils condamnent le terrorisme qui porte préjudice aux musulmans. Mais ils admettent qu'en certaines occasions, il est juste de se rebeller.

- les djihadistes, eux, considérent qu'en l'absence d'un Etat musulman digne de ce nom, tout croyant est autorisé à prononcer le djihad.
Cette "démocratisation " du djihad, ce djihad qui devient une obligation individuelle, (dont se réclame Al -Qaïda), a été théorisée dans les années 80 par le Palestinien Abdullah Azzam en Afghanistan.
L'intervenant a évoqué la figure du sheikh Nacer addin al-Albani, idôle des jeunes salafistes aujourd'hui (mort en 1999 en Jordanie). Quant à la société occidentale, elle est perçue comme un lieu de perdition.

Pour Bernard Rougier, le salafisme est un courant bien adapté à la mondialisation, qui permet d'être en contact avec les autres musulmans, mais sans s'impliquer dans la politique ou le social. Son succès est d'être un courant de synthèse entre les Frères musulmans et les wahhabites.

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