Science-Fiction par Michel Pébereau : Zendegi de Greg Egan

Entre univers virtuels et intelligence artificielle
Michel PÉBEREAU
Avec Michel PÉBEREAU
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Plongez avec Michel Pébereau, de l’Académie des sciences morales et politiques, dans les tréfonds des univers virtuels. Avec Zendegi, Greg Egan, sur fond de conflit géopolitique américano-iranien, signe un roman de science-fiction détonnant où mondes alternatifs et intelligence artificielle sont devenus le quotidien d’une population en voie de désagrégation.

C’est en 2012, et parallèlement en Iran et aux États-Unis, que commence ce roman publié en 2010. En Iran d’abord, où le journaliste occidental Martin Seymour a été envoyé pour rendre compte de l’élection du Parlement.
L’opération paraît bien contrôlée par le gouvernement, malgré la multiplication de meetings et de manifestations pacifiques des opposants, dans le style du « printemps arabe » ; et bien que quelques brutalités policières débouchent sur des émeutes.
Le réseau d’Internet va quand même réussir à perturber l’élection en dévoilant, par quelques images volées grâce à un portable, la vie mouvementée et les mœurs contestables d’un membre du gouvernement. Seymour, qui vient de se séparer de sa femme, se fait des amis iraniens : il contribue à la libération d’un voisin pris dans une rafle policière ; il fait la connaissance d’une jeune et belle manifestante.
Au même moment, aux États-Unis, Nasim Golestani, une jeune scientifique iranienne exilée, commence à travailler sur un projet de cartographie des connexions des neurones du cerveau (le Human Connectome Project).
Son projet pourrait servir de fondement à une reproduction du cerveau humain sur un logiciel informatique ; mais il paraît condamné lorsque lui sont refusées les subventions gouvernementales nécessaires. Nasim décide de revenir dans un Iran qui lui semble devenir enfin susceptible d’évoluer.

L’essentiel se déroule quinze ans après, en 2027. Martin s’est installé à Téhéran. Il s’y est marié. Il a un enfant avec lequel il explore le «Zendegi», un univers virtuel qu’utilisent des millions d’internautes, pour des raisons professionnelles ou de divertissement : on peut y vivre isolément ou à plusieurs des aventures d’une réalité saisissante, par l’intermédiaire de son image électronique que l’on contrôle.
Quant à Nasim, elle est devenue, en Iran, le créateur de ce fameux programme «Zendegi», et de son monde parallèle. L’Iran s’est modernisé. La religion continue d’y occuper une place considérable malgré une réelle démocratisation. Des malheurs imprévisibles frappent Martin et les siens.
Ils vont conduire celui-ci à demander à Nasim d’essayer d’améliorer très substantiellement son programme en donnant une existence autonome à son image électronique, pour permettre à celle-ci de rester vivante, en son absence ; son vœu serait que son fils puisse alors continuer à dialoguer avec elle, à bénéficier de ses conseils et de sa culture occidentale, si lui-même perdait la vie.

Greg Egan est un australien de cinquante ans. Enfant, il se destinait à une carrière scientifique. Il est titulaire d’une licence de sciences, option mathématiques. Il s’est détourné de sa vocation pour se consacrer au cinéma amateur, en gagnant sa vie avec des petits boulots. Mais il a assez vite renoncé.
Il a commencé à écrire, tout en faisant un travail de programmeur dans un Institut de recherche médicale, à Sydney. Il a écrit une dizaine de romans, et des recueils de très remarquables nouvelles qui relèvent surtout du courant « science dure » de la Science-Fiction, qu’ils ont révolutionnée. Son projet semble être d’analyser, en moraliste, mais avec réalisme, ce que la Science a fait de l’homme. Il y a, à ses yeux, deux grands crimes à combattre : traiter l’homme comme un objet, et le fanatisme. Son dernier recueil de nouvelles, Océanique, a reçu le grand prix de l’imaginaire en 2010.
Cet ouvrage tranche sur les précédents par l’humanisme qu’il dégage et la réflexion philosophique qu’il engage. L’image électronique d’un père, établie à un moment de sa vie, peut-elle permettre de transmettre son expérience, ses valeurs, quelques années plus tard, à un fils plongé dans une culture étrangère ? Et est-ce utile et efficace, dès lors que l’humanité poursuit sa route, et que la société dans laquelle vivra l’enfant de 2026 quelques années plus tard sera aussi différent de celui qu’a connu son père que l’Iran de 2026 peut l’être de celui de 2012 ?

Trois recueils de très belles nouvelles de Greg Egan, Axiomatique, Radieux, et Océanique sont disponibles aux Éditions Le Belial.

Greg Egan
Zendegi
traduit de l’anglais par Pierre-Paul Durastanti
380 pages / 23 €
Éditions Le Belial

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