Philippe le Bon, duc fastueux et prince de la Toison d’Or, par Philippe Contamine (4/6)

Quatrième émission de la série sur "Les grands Ducs de Bourgogne", par Philippe Contamine, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et l’historien Bertrand Schnerb
Avec Anne Jouffroy
journaliste

La cour de Philippe le Bon fut la cour la plus brillante de l’Europe du XVe siècle. Fêtes et cérémonies, véritable instrument de propagande politique, renforçaient le prestige de la Maison de Bourgogne. L’hôtel ducal fut un cadre privilégié, mais pas exclusif, pour le développement d’une culture de cour. Qu’est-ce qu’une culture de cour ? Quel fut le rayonnement culturel de la cour de Bourgogne ? Philippe Contamine, membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres, et Bertrand Schnerb évoquent les fastes du duché de Bourgogne et leur postérité à la cour de France

Émission proposée par : Anne Jouffroy
Référence : hist726
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Philippe le Hardi et Jean sans Peur -à l'image des rois Valois du XIVe - avaient déjà utilisé le luxe et l'ostentation dans les fêtes et cérémonies auliques pour manifester publiquement la cohésion et la force de leur Maison princière. Le cérémonial se complique et se développe sous le principat de Philippe le Bon.

Culture de cour, vitrine d'un pouvoir personnel

Philippe le Bon portant le collier de l’Ordre de la Toison d’or et le chaperon à cornette pendante

Philippe Contamine précise d'emblée :  «  Il y a toujours une cour, même Charles VII et Louis XI avaient leur propre cour, mais « la culture de cour », ça va plus loin. Il faut un personnage disposé à réunir autour de sa personne un certain nombre de manifestations artistiques, littéraires -« culturelles » précisément- qui sont là pour le mettre en valeur et aussi valoriser son action. La culture de cour, incarnée par son prince, ne peut être enfermée en elle-même ; elle sert de phare, de référence à l'intérieur comme à l'extérieur. Il s'agit d'assurer, de développer la renommée du prince qui l'anime et qui doit -nécessairement, car c'est son rôle- y consacrer des moyens matériels. Et il doit avoir ses propres historiographes. Les historiens modernistes ont tendance à penser qu'il n'y a pas de cour avant le XVIe siècle. En fait, la cour de Bourgogne, et notamment à l'époque de Philippe le Bon, en est un contre-exemple manifeste. Nous sommes là, à un moment historiquement important.»

L'héritage de François 1er et Louis XIV

Ce phénomène de la cour bourguignonne est à évaluer sur la longue durée. Toutes proportions gardées tous les ingrédients qui ont fait la réputation des cours de François 1er et Louis XIV sont en place dans le duché de Bourgogne sous le principat de Philippe le Bon. Avec, néanmoins, des nuances. Nous ne sommes pas tout à fait dans le même ordre de grandeur quantitatif : la cour bourguignonne est encore assez itinérante et il n'y a pas de Chambord, de Versailles, bourguignons.

Palais des ducs de Bourgogne à Dijon

Mais, malgré tout, les meilleurs artistes du XVe siècle sont pour la cour de Bourgogne : le duc Philippe est un mécène éclairé et reconnu dans toute l'Europe. Cette pure entreprise de théâtralisation du pouvoir impressionne les assistants, intimide les adversaires et rassure les partisans. Le décor, l'identité et les costumes des participants, le déroulement des cérémonies, ont une signification forte qui n'échappe pas aux spectateurs -les cours à venir s'en inspireront. Le siècle de la Toison d'Or a marqué les esprits.

En janvier 1430, à Bruges, la Toison d'Or

Isabelle de Portugal (1397-1471)

Un faste éblouissant accompagne les fêtes du mariage de Philippe le Bon et d'Isabelle du Portugal. Le duc institue alors « le plus haut mistère d'Ordre qui se pouvait penser », la Toison d'Or.
Vingt-trois chevaliers de nom et de bravoure sans reproche le composent. Conseil du prince, où des rois brigueront d'entrer, l'ordre de la Toison d'Or a un Maître, le souverain et après lui, ses successeurs. Cet ordre flamboyant -dont la destinée européenne est encore prestigieuse- sert de relais pour diffuser les thèmes de la propagande ducale.

Assemblée de l’Ordre de la Toison d’Or, présidée par Charles le Téméraire, à Valenciennes en 1473

Philippe le Bon en se mettant en scène lors des grands événements politiques (conférences, traités, voeu de croisade, chapitres de la Toison d'Or) et familiaux (baptêmes, mariages, funérailles) et en souhaitant disposer d'une chronique officielle comparable aux Grandes Chroniques de France (il nomme Georges Chastelain, son historiographe) participe, tout particulièrement, à une des caractéristiques de l'État bourguignon : « l'État-spectacle ».

Dans deux prochaines émissions, Philippe Contamine et Bertrand Schnerb présenteront Charles le Téméraire, duc de 1467 à 1477 et "prince de la tourmente".

Philippe Contamine est membre de l'Académie des inscriptions et belles- lettres, historien médiéviste, professeur émérite à l'université Paris-Sorbonne, ses travaux portent sur la guerre, l'État, la noblesse, l'économie et la vie privée entre le XIIIe et le XVe siècle.

Bertrand Schnerb, spécialiste de la société et des institutions bourguignonnes des XIVe et XVe siècles et professeur d'histoire médiévale à l'Université de Lille III est l'auteur de : l'État bourguignon: 1363-1477, publié chez Perrin en 1999, et réédité chez Perrin dans la Collection Tempus en 2005.

Philippe Contamine et Bertrand Schnerb à Canal Académie
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