Le modèle « 1981 »

Toujours d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Le rappel de la réalité est pathétique. François Hollande veut nous refaire du « 1981 », modèle victoire de François Mitterrand et de toute la gauche. On dirait son programme calqué sur ce qu’il fut à l’époque, quand Mauroy était à Matignon, Delors aux Finances et Fabius au Budget. Retour en arrière : les 3 et 10 juin 1981, à la veille des législatives, le gouvernement adopte un « collectif budgétaire » : hausse du Smic (10%), des allocations familiales (25%) et de logement (50% en deux étapes), création de 54 290 emplois publics ; puis : majoration exceptionnelle de l’impôt sur les hauts revenus, relèvement des taxes sur les produits de luxe, sur le train de vie des sociétés, et sur le carburant. Le budget préparé sous Valéry Giscard d’Estaing prévoyait un déficit de 29 milliards (de francs), il est porté à 56 milliards. On annonce aussi l’abandon du chantier de la centrale nucléaire de Plogoff. Réaction des monnaies : le franc part à la dérive.

Le 30 septembre 1981, budget pour 1982. Jacques Delors évoque le « lourd passif de l’héritage ». On crée l’impôt sur la fortune, un impôt exceptionnel sur les tranches supérieures de l’IR « pour financer le chômage », on plafonne le quotient familial, on augmente la redevance sur les compagnies pétrolières – et l’on projette 61 000 créations d’emplois publics (en plus des précédents). Le déficit double. Un record. Le 4 octobre, le franc ne résiste plus ; il faut dévaluer. Il perd 8,5% de sa valeur par rapport au mark. On dévaluera encore deux fois avant « le tournant de la rigueur » du printemps 1983.

Hausse des allocations pour les uns, des impôts pour les autres, retraite à 60 ans, et 60 000 emplois d’enseignants : le programme 2012 n’est qu’une copie du modèle 1981. A l’époque, c’était déjà la crise (de l’énergie), le ralentissement, le chômage (7,5%), mais la dette publique de la France était de 21% du PIB (85% aujourd’hui) et le déficit laissé par Giscard de 1% (contre 5,3%)... Les folies socialistes pouvaient être absorbées par l’inflation (14% par an) et la dévaluation. En 2012, c’est encore la crise, mais celle des finances publiques, sans inflation ni possibilité de dévaluer l’euro. Que serait donc la sanction du plan Hollande ? La pression par les taux, une formidable ponction supplémentaire sur de l’argent que nous n’avons pas. Car Hollande devrait continuer d’emprunter 500 millions par jour…

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 28 avril 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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