L’honneur du lieutenant de harkis

Toujours d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Les signes de l’Histoire sont souvent inattendus. Cinquante ans après son retour à Alger, mourait l’un des chefs de l’insurrection, le premier président de l’Algérie indépendante, Ahmed Ben Bella, qui allait être lâché et renversé par les siens. Or trois jours après son décès, Nicolas Sarkozy accomplissait, le 14 avril 2012 à Perpignan, le geste ultime de la réparation et de la réhabilitation des harkis, ces soldats musulmans fidèles à la France, abandonnés par elle et assassinés par les « frères » de Ben Bella au moment de l’indépendance. Un drame français de plus au cœur de la blessure algérienne.

« L’Algérie était devenue indépendante, a dit le chef de l’Etat, c’était le choix de l’Histoire, ce n’était pas le choix des harkis. La France se devait de les protéger de l’Histoire. Elle ne l’a pas fait. Elle porte cette responsabilité que je suis venu reconnaître au nom de la République. »

Nicolas Sarkozy avait arrêté une date symbolique pour accomplir ce geste : le cinquantenaire, à quelques jours près, de la directive du 12 mai 1962, signée par Louis Joxe, ministre d’Etat du gouvernement du Général, dans laquelle il était dit : « Des rapatriements prématurés de supplétifs (les harkis) indiquent l’existence de réseaux tissés entre l’Algérie et la métropole. Vous voudrez bien faire rechercher tant dans l’armée que dans l’administration les promoteurs et les complices de ces entreprises et faire prendre les sanctions. Les supplétifs débarqués en métropole seront en principe renvoyés en Algérie… » Pour les officiers français qui s’étaient engagés à ne jamais abandonner ces hommes qui s’étaient battus à leurs côtés, ce fut la directive du déshonneur.

Le président de la République l’a officiellement reconnu en élevant à la dignité de grand officier de la Légion d’Honneur le général François Meyer. Lieutenant de SAS en Algérie, il fut l’un de ces officiers qui, désobéissant à la directive Joxe, sauva « ses » harkis en les convoyant sur le territoire métropolitain. Parmi eux se trouvait le caporal Lakhdar Bougrab, fils d’un soldat égorgé par le FLN pour avoir combattu dans les rangs de l’armée française, et père de Jeannette, aujourd’hui secrétaire d’Etat à la Jeunesse : trois générations de Bougrab au service du pays. « De cela, la France peut être fière », s’est exclamé Nicolas Sarkozy en rendant hommage à ces « hommes d’honneur ».

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 21 avril 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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