L’initiative citoyenne : un nouveau droit pour tous les Européens

La chronique de Jean-Dominique Giuliani sur l’Union européenne

Depuis le 1er avril 2012, un million d’Européens ont le droit de demander aux institutions de l’Union la modification d’une loi ou d’un règlement. Ce droit nouveau, voulu par les signataires du Traité de Lisbonne qui est entré en vigueur le 1er décembre 2009, est strictement encadré, et la démarche en est même un peu complexe... mais il est susceptible de renouer le lien distendu entre les citoyens et l’Europe.

Le législateur a pris le soin d’instaurer une procédure permettant de vérifier l’identité des signataires, ce sera de la compétence des autorités nationales, en France le ministère de l’Intérieur, mais aussi de s’assurer que leur demande est légitime et concerne bien les compétences de la Commission européenne. Ils devront constituer pour cela un Comité de sept citoyens, représentant au moins sept États membres, élaborer un projet de modification d’une réglementation européenne, le soumettre à la Commission qui dira si oui ou non il est recevable. Ils devront ensuite commencer, sous le contrôle en France du ministère de l’Intérieur, de recueillir leur million de signatures. Un nombre suffisant par État membre étant fixé, ce sera 55 000 citoyens français si la France est concernée. A l’issue de cette collecte de signatures qui peut durer jusqu’à douze mois, la pétition sera adressée à la Commission européenne qui l’examinera. Si elle l’estime pertinente, une audition sera organisée au Parlement européen, et elle devra elle-même statuer pour dire quelle suite elle entend donner à cette demande.

Incontestablement, en modifiant ainsi les traités européens, les dirigeants ont pris acte du lien distendu entre les citoyens et l’Europe. La législation européenne est compliquée, elle est aussi souvent secondaire, c'est-à-dire qu’en réalité, elle s’applique d’abord aux États membres, qui doivent se mettre en harmonie avec les règles de l’Union. Autant de difficultés qui aggravent le sentiment d’éloignement de l’Europe au moment ou au contraire la crise, les difficultés de l’environnement international et de l’économie nécessitent de rapprocher les décideurs des citoyens. L’Union européenne devra faire preuve dans cette application de ce nouveau droit d’un grand esprit d’ouverture. Il se s’agit pas de multiplier les questions de procédure, et l’on voit bien que la Commission européenne est jalouse de son monopole d’initiative qu’elle ne tient pas trop à partager avec d’autres, ni même le Parlement européen, ni encore le Conseil de l’Union européenne qui représente les États.

Mais il est clair qu’au XXIe siècle, les lois doivent être comprises par tous, et ce n’est pas toujours le cas de la réglementation européenne. Enfin, dans l’évolution de l’Europe se pose maintenant la question de la démocratie. C’est par elle, par ses procédures, qu’on pourra enfin transmettre aux citoyens européens ce sentiment de fierté d’appartenance à un ensemble à la taille du monde moderne.

Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Gageons que cette nouvelle procédure va engendrer un grand nombre de débats politiques. Déjà des initiatives sont programmées. La Communauté européenne est bien devenue une union d’États et de citoyens. Elle doit maintenant montrer qu’elle sait faire aussi de la politique au sens le plus noble du terme.

Jean-Dominique Giuliani préside la fondation Robert Schuman, centre français de recherches sur l’Europe. Il est l'auteur d'un livre sur la présidence française de l’Union européenne : Un Européen très pressé, paru aux éditions du Moment.

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