Une frontière pas si lointaine

Toujours d’actualité, la chronique de François d’Orcival, de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Mohamed Mehra l’a dit aux policiers du Raid : « Tuer un soldat français en France aura plus de retentissement que tuer dix soldats français en Afghanistan. » Tuer des parachutistes, tuer des enfants juifs et un jeune rabbin : le tueur n’a pas agi au hasard d’une bombe dans la foule. Il a visé chacun avec détermination. Le front intérieur n’est pas différent du lointain front extérieur. Entre la vallée de la Kapisa où sont les Français et Montauban ou Toulouse, pour le terroriste de 23 ans, c’est la même guerre qui continuait.

Une guerre déclenchée le 11 Septembre 2001 par les massacres massifs commandés par Ben Laden aux Etats-Unis. Ses refuges étaient en Afghanistan. Les Occidentaux y sont allés pour les détruire. Ils y ont trouvé les talibans, lesquels ont d’abord fui avant de se reconstituer dans des zones tribales, alimentées depuis les régions frontalières du Pakistan. La guerre des alliés de l’Otan était réputée « ingagnable » - comme celle des Britanniques ou des Soviétiques avant eux. Mais quels étaient les buts de guerre ? Empêcher le retour à Kaboul d’un régime islamo-terroriste, pas d’y installer une autorité occidentale mais de confier le pouvoir à des mains afghanes, à une police et une armée afghanes capables de se défendre. Comme les Français l’ont fait ou vont le faire dans les vallées placées sous leur responsabilité.

Mais pour des raisons électorales, Barack Obama a livré à l’ennemi le calendrier de son action, avec les étapes de son retrait. Ses alliés ne pouvaient pas faire moins que de coller à cet agenda. Les talibans n’ont plus qu’à attendre, en agissant de telle sorte que ce départ soit précipité et se fasse en désordre. D’où la question : les afghans légitimes seront-ils capables de résister seuls ? Si oui, la « guerre ingagnable » aura été gagnée ; sinon, le pays reviendra à la guerre civile pour longtemps, les Occidentaux auront perdu la face dans leur lutte contre la terreur et le front se déplacera chez eux.

Mohamed Mehra a expliqué aux policiers du Raid qu’il était allé se former au Waziristân. Qu’est-ce que ce Waziristân ? Un territoire situé au Pakistan abritant moins d’un million d’habitants, entièrement sous le contrôle des talibans, et obéissant à leurs règles, malgré de vaines tentatives militaires pakistanaises pour le soumettre. Abandonné aux talibans, l’Afghanistan, ce serait trente fois le Waziristân.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 31 mars 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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