Le régime Poutine

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Les Russes lui ont donné six années de plus. Vladimir Poutine gouvernait déjà depuis douze ans (huit ans comme président, quatre comme premier ministre) ; il sera aux commandes jusqu’en 2018. Et il n’exclut pas de se représenter – ce que la Constitution autorise. Sera-t-il au pouvoir pendant vingt-quatre ans ? A la fin de ce nouveau mandat, il aura déjà égalé le record de Léonide Brejnev qui gouverna la Russie soviétique de 1964 jusqu’à son décès en 1982. A l’Ouest, la comparaison amuse. En Russie, elle rassure : Poutine a été « réélu » - pas exactement puisqu’il n’était que le chef du gouvernement – parce qu’il incarne la stabilité sans le communisme, et la sécurité, sans les comités de quartier et la police secrète. En apparence du moins.

Les commentaires américains et les médias occidentaux l’accusent de monopoliser les médias, de verrouiller l’opposition, de bourrer les urnes. Poutine a donc laissé échapper la vapeur : le 4 décembre dernier, les élections législatives portaient au Parlement, la Douma, une majorité de coalition, le parti présidentiel n’ayant plus à lui seul la majorité absolue. De même, il a laissé défiler dans les rues de Moscou de dimanche en dimanche des manifestants qui l’insultaient, avant de rassembler au même endroit ses propres partisans, plus nombreux encore. Et il n’a finalement obtenu « que 64% des voix » à la présidentielle du 4 mars dernier. A quoi servent les trucages ? Les cercles occidentaux peuvent ricaner, dit Poutine, ils ne font pas les élections en Russie. On peut même dire qu’il a surtout été élu sur un réflexe antioccidental, en brandissant le drapeau de la sainte Russie, autoritaire et orthodoxe. Il l’a prouvé, par exemple, en s’opposant systématiquement aux résolutions préparées par les Américains, les Français et les Anglais au Conseil de sécurité pour arrêter le massacre en Syrie. Maintenant qu’il est élu, il va pouvoir desserrer son veto en négociant avec Obama la réforme du « bouclier antimissiles » qui le fait passer pour un ennemi.

Mais le mandat que lui ont confié les Russes, stabilité et sécurité, signifie aussi expansion et pouvoir d’achat. Jusqu’à quand la rente pétrolière permettra-t-elle de financer les promesses de la campagne présidentielle ? Seul le moteur de la liberté peut transformer les richesses russes en économie durablement compétitive. Or elle fait défaut et c’est toute la limite du système Poutine.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 10 mars 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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