En Ecoute facile : Edouard Bonnefous et le Brésil

dans la série "Des Académiciens et des hauts lieux" animée par Virginia Crespeau
Avec Virginia Crespeau
journaliste

"En Écoute Facile" vous propose de suivre Édouard Bonnefous, qui fut plusieurs fois ministre sous la IVème République française (entre 1952-1958), chancelier de l’Institut de France, et membre de l’Académie des sciences morales et politiques. On peut le considérer comme un pionnier de l’écologie car il fut profondément animé par le souci de l’environnement, de la défense de la nature et de l’homme. En 1935, il découvre le Brésil...

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : eff514
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Et s'il fut tout à la fois journaliste, géographe, écrivain, homme politique et homme d’état, il fut surtout un grand voyageur. Dans son livre "Regards sur le monde", -un véritable carnet de voyages-, il nous entraîne sur tous les continents, sauf la Chine.

- Suivons Edouard Bonnefous dans l’un de ses nombreux voyages, allons avec lui, dans les années 1935, découvrir au Brésil, dans la baie de Rio, le célèbre Christ du Corcovado, qui domine la ville à quelque 700mètres.

« La montée au Corcovado que je fais ce matin est assez monotone. La voie a été tracée en pleine forêt, mais à cet endroit, la végétation n’est pas touffue. Au bout de cinquante minutes, le chemin de fer à crémaillère vous a déposé au sommet. Encore quelques marches, et l’on arrive sur la plate-forme où se dresse le Christ colossal, sculpté par Landowski. Avec ses bras en croix, et la position qu’il occupe par rapport à la ville, il semble protéger Rio, et c’est sous son signe que la ville parait s’être placée et les maisons s’être réunies à ses pieds. »

Edouard Bonnefous (1907-2007) de l’Académie Française

- Le sculpteur Paul Landowski, auquel fait référence Edouard Bonnefous est né à Paris le 4 juin 1875 et mort à Boulogne-Billancourt le 27 mars 1961 ; ce sculpteur figuratif français d'origine polonaise était le père du compositeur Marcel Landowski (1915-1999), qui réforma l'enseignement musical en France ; tous deux étaient membres de l’Académie des beaux-arts. Mais continuons la montée, dans une nacelle, c'est à dire une petite embarcation... Il faut vaincre sa peur mais à l'arrivée, quelle récompense !

Paul Landowski (1875-1961) a sculpté le Christ de Corcovado évoqué par Edouard Bonnefous dans ses récits de voyage au Brésil

« A 5 heures, je confie mon sort à la petite nacelle suspendue qui vous enlève à l’aide d’un câble aérien vers la première plate-forme. Ballotté par le vent, une roue court au-dessus de la tête le long du câble, le vide sous nos pieds, l’impression est assez désagréable. Surtout après la première plate-forme, quand il faut recommencer la même opération pour monter, pendant une quinzaine de minutes, au sommet du Pain de Sucre. C’est dans l’embrasement du soleil couchant que nous sommes arrivés. Le soleil était au-dessus du Christ du Corcovado et jetait sur la baie ses mille feux. Il est impossible de décrire la beauté des montagnes qui se succèdent à droite de la baie en venant de la mer à 200 ou 300mètres au-dessus de l’eau. Chacune est différente et fait cependant un ensemble merveilleusement cohérent. On dirait des nymphes qui sortent de l’eau. Le soleil, qui fait rougeoyer leurs sommets, a jeté sur leurs flancs toute une gamme de violets, depuis le plus vif jusqu’au plus pâle. L’eau est par endroits comme ensanglantée. Sur la gauche, au contraire, les montagnes sont beaucoup plus élevées. Mais leur beauté tient justement à leur majesté. Faisant un contraste, des petites îles dansent dans la mer à leur pied. »

Statue du Christ Rédempteur, réalisée par le sculpteur Paul Landowski à Rio de Janeiro

- Vous avez entendu le mot nymphe : une nymphe est une divinité des bois et des eaux, de la mythologie gréco-romaine.

- Toujours en compagnie d’Edouard Bonnefous de l’Académie des sciences morales et politiques, nous quittons Rio et, par le chemin de fer, nous entamons avec notre voyageur un long, très long trajet qui traverse les montagnes pour arriver à Ouro Prêto. Rappelons-nous que nous sommes dans les années 1935...

« Les chemins de fer au Brésil mériteraient à eux seuls une étude. IL est impossible d’imaginer l’état des voies : à chaque tournant, et ils sont incessants, on a l’impression de sortir des rails. La nuit est atroce dans un simili sleeping, qui s’appelle dormitorio. La seule chose qu’il soit impossible de trouver dans de tels wagons c’est assurément le sommeil. Par ailleurs, il fait très froid, d’autant plus que, comme dans tous les pays chauds, rien n’est prévu contre le froid. »

Buste d’Edouard Bonnefous réalisé par le sculpteur Paul Belmondo (1898-1982) et exposé au sein de l’Institut de France
© Canal Académie

- Après de nombreuses étapes dans de petites gares en terre battue, assez sales, où les poulets picorent entre les rails, le train entame la montée vers Ouro Prêto.

« Immédiatement la voie s’élève et tourne en lacets constants. Sous un soleil lumineux, on découvre bientôt le petit bourg au fond d’un creux. Pui, continuant à escalader les montagnes, passant de sommet en sommet, hurlant, crachant, soufflant, notre convoi avance maintenant dans un paysage grandiose et sinistre. Le vent souffle par endroit avec rage, mais au tournant suivant, le soleil vous éblouit de sa clarté. Plus de végétation, plus de vie humaine. La terre est uniformément vert noir. Sauf de loin en loin, où d’adorables petits arbres jaunes, qui s’abritent du vent au revers des montagnes, mettent une note lumineuse et gaie dans cet ensemble foncé et sévère. Parfois aussi, quelques eucalyptus....

A perte de vue, les montagnes se succèdent s’entrecroisent. Ce sont des montagnes qui, comme toutes celles du Brésil en général, s’élèvent entre 1000m et 1500 mètres. Sierras, comme on les nomme communément. Après plusieurs arrêts dans des villages étonnants de pittoresque, le train descend rapidement dans des gorges profondes ou glisse le long des cascades ou des torrents, entourés et dissimulés sous un amoncellement d’arbustes, de lianes, de fougères géantes. Dans un cours d’eau moins caché, on voit des hommes qui, à moitié entrés dans l’eau, cherchent l’or que la rivière peut charrier. »

- Marquons une petite pause, mais sachez que notre visite d’Ouro Prêto au Brésil n’est pas terminée…

- Retrouvons notre voyageur et les chercheurs d'or des montagnes brésiliennes... Un peu d'histoire tout d'abord !

« Ouro Préto est le vieux centre de l’or. Ville abandonnée depuis le début du XXème siècle, elle ne compte plus guère que 20000 habitants. Au lieu de 100.000 ou même 150.000 au temps de sa prospérité. Le Brésil fut traversé de part en part, dès le XVIIIème siècle, par les Portugais qui cherchaient partout l’or.... Quand on découvrit de l’or dans la région d’Ouro Prêto, ce fut une véritable ruée, comme en Californie, cinquante ans plus tard, en Afrique du sud à la fin du XIX ème siècle. L’homme est esclave du métal jaune et aujourd’hui du pétrole. Les guerres et les révolutions n’ont souvent pas d’autres causes.... Bâti sur trois collines, Ouro Prêto est dans un fond de vallée. Les vieilles églises, dont la plupart sont aujourd’hui fermées, sont généralement décorées luxueusement. C’est le style rococo dans tout son éclat. De l’or, des boiseries recouvertes d’or, des sculptures en bois doré. »

Vue d’Ouro Prêto (« l’Or noir ») située à environ 500 km au nord de Rio de Janeiro


- Savez-vous qu'il existe une roche qui tremble ? Edouard Bonnefous en fait la description...

« En après-midi, visite de l’intéressante Ecole des mines, la seule de l’Amérique du sud. Fondée par un Français, on y étudie pendant cinq ans la minéralogie. Le Brésil est, peut-être, le pays qui renferme la plus grande variété minière qui se puisse imaginer.. Richesse minérale encore inexploitée, inutilisée. Le Directeur qui nous la fait visiter nous promène à travers les vitrines qui contiennent tous les échantillons de cette flore minérale, qui va des roches les plus vulgaires aux pierres les plus rares. Nous restons devant un morceau de roche d’un type exceptionnel, la roche qui tremble. Quand on la touche, elle se courbe, s’incurve et se plie à son extrémité sans se briser. Sur le sommet qui domine Ouro Prêto, les roches sont de cette composition. Puis, dans le soir qui vient, nous redescendons à travers les rues tortueuses et raides d’Ouro Prêto vers l’hôtel, puis vers la gare. Les pauvres qui se traînent le long des trottoirs, décharnés et ravagés, des plaques sur la figure, portent sur eux les stigmates de la lèpre. Très nombreux, les lépreux se promènent librement et sont des agents de transmission, par le sol sur lequel ils marchent déchaussés. Le soleil baigne Ouro Prêto dans son rougeoiement. Nous reprenons les routes vers Belo Horizonte. »

- Laissons repartir Edouard Bonnefous vers d'autres destinations et rappelons que son livre Regards sur le monde est paru aux Editions Le Moniteur.

Carte du Brésil

- Ecoutez « En Ecoute Facile »

- Dans cette même série consacrée aux hauts lieux décrits par des Académiciens, vous pouvez écouter également :

- En Ecoute facile : L’Albanie d’Ismaïl Kadaré, de l’Académie des sciences morales et politiques

- L’Algérie d’Assia Djebar, de l’Académie française à travers ses écrits

- En Ecoute facile : "Des Académiciens et des hauts lieux" : l’abbaye de Sénanque

- En Ecoute facile : la Chine de Pierre-Jean Rémy

Visitez le site de la - http://www.institut-de-france.fr/institutions/prix-amp-fondations/fondations/fondation-%C3%A9douard-bonnefousis>

- Ecoutez nos archives avec Edouard Bonnefous

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