Le Bourbonnais, terre d’académiciens

Evocation de Jacques de Bourbon Busset, Emile Mâle, Jean Cluzel, avec Jeanne Cressanges auteur de Je vous écris du Bourbonnais
Avec Hélène Renard
journaliste

Depuis Henri IV, les rois de France étaient des Bourbon. Mais d’où vient le mot Bourbon ? C’est à une bourbonnaise écrivain, Jeanne Cressanges, auteur de romans, d’essais, de récits, que cette question est posée, à elle qui a publié un nouveau recueil justement intitulé Je vous écris du Bourbonnais, duché où elle a croisé les figures des académiciens Emile Mâle, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et de l’Académie française, celle de Jacques de Bourbon-Busset, de l’Académie française, et celle de Jean Cluzel, de l’Académie des sciences morales et politiques.

Émission proposée par : Hélène Renard
Référence : pag1049
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L'Académie française a compté en son sein, deux membres portant le nom de Bourbon : le poète Nicolas Bourbon, élu en 1637, l'un des tout premiers membres de l'Académie au moment de sa fondation, et le romancier diplomate Jacques de Bourbon-Busset, élu lui en 1981 et qui nous a quittés en 2001. Trop peu de Français connaissent l'ancienne province du Bourbonnais, aujourd'hui délimitée par le département de l'Allier. Avec Canal Académie, suivez ici la trace de quelques académiciens de ce duché, terre aux multiples visages : forêts, montagne, plaine, vignobles (le fameux AOC Saint-Pourçain), bocage, mines, cours d'eau ... terre qui regorge de trésors historiques, plus de 300 châteaux, et autant d'églises romanes.

Revenons avec Jeanne Cressanges sur l’origine du mot « Bourbonnais ». Bourbon viendrait de « boue », en référence à la terre gorgée d’eau qui caractérise le sol de cette région. L’eau est en effet omniprésente dans le Bourbonnais, à travers ses multiples cours d’eau, sources et rivières. Mais le mot « Bourbon » serait également dérivé du dieu gaulois « Borvo », qui, dans la mythologie celtique gauloise, est un dieu guérisseur, associé à l’élément aquatique.
Le récit de Jeanne Cressanges mêle ici souvenirs personnels et descriptions des lieux de jadis, d’une terre trop méconnue aujourd’hui des Français. Suivons en compagnie de notre invitée les traces de ces quelques académiciens originaires d'un duché aux multiples visages.

- Notre 1ère étape : le château de Busset.

« C’est un immense château, qui laisse, au premier abord, quelque peu ahuri mais qui vous enchante par ses jardins merveilleux et ses très belles fresques murales. Il est particulièrement bien entretenu par l'ancienne famille des Bourbon-Busset, qui en est toujours propriétaire ».
Évoquons la figure de Jacques de Bourbon-Busset, né le 27 avril 1912, à Paris, descendant, par son père, de Saint-Louis, de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, et de César Borgia. Par sa mère, Guillemette de Colbert, il descend du mathématicien Laplace.

Jacques de Bourbon Busset

Élève d’Alain en khâgne au lycée Henri IV et condisciple de Roger Caillois, Maurice Schumann et Julien Gracq, il entre à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, en 1932. En juillet 1939, il est reçu au Grand Concours du quai d’Orsay, est nommé attaché d’ambassade à la direction d’Europe et mobilisé comme lieutenant d’infanterie, le 26 août 1939. Fait prisonnier en juin 1940, il fait deux tentatives d’évasion, est repris et emmené en captivité en Allemagne. Le 21 août 1944, le général de Gaulle le nomme président-directeur général de la Croix-Rouge française. Il se marie, le 18 septembre 1944, avec Laurence Ballande. Docteur en droit et ès sciences économiques, peintre de grand talent, elle inspire toute l’œuvre de l’écrivain (sous le pseudonyme resté célèbre du « lion ») qui appelle d'ailleurs son journal Le Livre de Laurence. En juillet 1948, il est nommé directeur adjoint du cabinet du ministre Robert Schuman, puis directeur. En novembre 1952, il est nommé directeur des relations culturelles avec l’étranger, tout en demeurant vice-président du Centre européen de recherches nucléaires à Genève, établissement qu’il a contribué à fonder. En 1969, ayant donné à ses quatre enfants sa propriété du Saussay, il s’installe en haute Provence, à la « Campagne du Lion ». Élu à l’Académie française le 4 juin 1981, au fauteuil de Maurice Genevoix (34e fauteuil), il est mort le 7 mai 2001 à Paris.
Jeanne Cressanges, qui a eu l’honneur de le rencontrer, se souvient d’«un homme de réflexion et brillant diplomate, épris de liberté et grand amoureux de la littérature».

Château de Busset

- 2ème étape : Glozel.

Jeanne Cressanges n’a jamais vraiment perdu de vue ce village du Bourbonnais dont son grand-père lui contait maintes histoires. Parmi elles, la fameuse « Affaire Glozel » qui fit couler beaucoup d’encre. Au début du XXe siècle, des paysans qui labouraient leurs terres y trouvèrent des plaquettes gravées d’une langue inconnue. L'affaire affola les milieux intellectuels et finit par arriver aux oreilles de l’académicien Salomon Reinach de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, à l’époque conservateur général du musée de Saint-Germain-en-Laye. Celui-ci jugea pourtant ces inscriptions factices et accusa les paysans à l’origine de cette trouvaille d’être des faussaires. Ceux-ci furent jugés, condamnés et les plaques découvertes détruites. Une histoire rocambolesque qui «reste encore aujourd’hui un mystère ...»

- 3ème étape : Commentry

N’oublions pas bien sur, en compagnie de Jeanne Cressanges, une autre figure célèbre du Bourbonnais, l’académicien Émile Mâle (1862-1954). Originaire de la ville de Commentry, ancienne cité minière, celui-ci est élu à l’Académie française en 1927. Après une scolarité secondaire à Saint-Étienne, Émile Mâle entra à l’École Normale Supérieure et obtint l’agrégation de lettres en 1886. Successivement professeur de rhétorique à Saint-Étienne, à Toulouse, puis à Paris au lycée Louis-le-Grand, il soutint sa thèse en 1889 sur L’Art religieux au XIIe siècle en France. À partir de 1906, il enseigna à la Sorbonne, où lui fut attribuée, en 1912, la chaire d’histoire de l’art.

Emile Mâle de l’Académie française (1862-1954) sur la loggia du palais Farnèse (Rome).
© coll. part. Gilberte Mâle

Spécialisé dans l’art chrétien médiéval, il a laissé une œuvre importante qui compte de nombreuses monographies sur les églises et cathédrales de France (La Cathédrale de Reims, Notre-Dame de Chartres, La Cathédrale d’Albi), dont il était l’un des plus fins connaisseurs. Nommé après Mgr Duchesne à la tête de l’École française de Rome, il consacra également une partie de ses recherches aux édifices de la Rome chrétienne (Rome et ses vieilles églises). Il fut élu en 1918 à l’Académie des inscriptions et belles-lettres puis à l’Académie française au fauteuil de Jean Richepin.
(Retrouvez Emile Mâle Emile Mâle (1862-1954) : L’art religieux à la fin du Moyen Âge en France et Emile Mâle, le Champollion des cathédrales

- 5ème étape : Bransat et Jean Cluzel, et 6ème étape : Bourbon l'Archambault

Mais finissons ce voyage dans le Bourbonnais par deux lieux chers au cœur de notre invitée : Bransat et Bourbon l’Archambault.
«Bransat est certes un tout petit village, mais c’est aussi un lieu de foisonnement intellectuel, où j’ai eu la chance de rencontrer et de côtoyer Jean Cluzel, de l’Académie des sciences morales politiques, lors des réunions du club « Positions ». Un grand homme devenu au fil du temps un ami». C’est avec émotion que Jeanne Cressanges évoque pour nous la Grande journée littéraire organisée chaque année par Jean Cluzel, en octobre à Bransat, pour récompenser, par les Prix Allen, toute personne qui, par son talent, met en valeur cette belle région du Bourbonnais (prix que Jeanne Cressanges a elle-même reçu en 1995). Les Prix Allen sont décernés chaque année durant la première semaine d'octobre et cela, depuis 26 ans ! Tout un chacun peut y assister...

Quant à Bourbon l’Archambault, qui ne connaît pas cette petite ville du Bourbonnais, longtemps fréquentée par de grands hommes français ? Racine, Boileau, Fénelon, ces académiciens ont tous une affection particulière pour ce lieu où ils ont assidument séjourné, sans parler bien sûr de Madame de Sévigné, qui appréciait particulièrement les eaux de ces terres. Encore aujourd’hui, Bourbon l’Archambault rayonne par son étonnant patrimoine : ses thermes antiques et son château féodal par exemple, ancien siège des premiers Bourbons (rappelons d’ailleurs qu’«Archambault» était un prénom très fréquent chez les premiers membres de la dynastie).

Jeanne Cressanges à Canal Académie

Ainsi s’achève notre joli voyage en terres bourbonnaises. A vous d’aller découvrir à présent toutes les richesses de cette région française au patrimoine exceptionnel.

- Autres émissions sur le Bourbonnais et ses écrivains :
- André Vauchez : l’Ordre des Célestins et le duc Louis II de Bourbon
- Hubertine Auclert, une féministe bourbonnaise
-Jacques Paris, Grand Prix de Littérature bourbonnaise au 24e Prix Allen
- Michel Déon raconte Valery Larbaud
- Charles-Louis Philippe par Jean Auba, correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques
- Visite du musée de la Visitation à Moulins

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Pour acquérir le livre Je vous écris du Bourbonnais de Jeanne Cressanges, rendez-vous sur le site des Éditions Serge Domini.

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