Le coût de l’égalité

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival, de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

« L’égalité seule est leur idole », disait Chateaubriand des Français. François Hollande s’est emparé de l’idole. « C’est pour l’égalité que nous devons agir », répète-t-il. « Depuis dix ans, l’égalité recule partout ! » Cela plaît peut-être, mais c’est faux. C’est même l’inverse qui est vrai : l’inégalité des revenus n’a cessé de reculer par rapport à la croissance de l’économie depuis vingt ans. Alors que la croissance moyenne était de 1,7% par an, l’inégalité mesurée en écart des revenus disponibles entre les riches et les pauvres est restée stable. Des données iconoclastes présentées devant l’académie des sciences morales et politiques par un normalien, agrégé d’histoire et d’économie, Christian Morrisson, ancien professeur d’économie à Paris 1, ancien directeur du laboratoire d’économie politique à l’Ecole normale et expert en traitement des statistiques de l’OCDE dont il a été chef de division.

Au cours des mêmes vingt dernières années, l’inégalité des revenus s’est en revanche accrue en Allemagne de 12%. Une différence qui s’explique : les gouvernements français ont fait augmenter le salaire minimum plus vite que le salaire moyen, dit Christian Morrisson, ce que n’ont pas fait les Allemands ; ils ont pratiqué une politique d’indemnisation des chômeurs plus favorable qu’en Allemagne et ils ont beaucoup plus taxé les patrimoines.
Au terme de la décennie, précise de son côté Jean-Paul Betbèze, économiste du Crédit agricole, le coût horaire de la main d’œuvre a augmenté de 37% en France contre 15% en Allemagne. Conclusion : la politique conduite en France au nom de l’égalité a alourdi le coût du travail, le poids des prélèvements obligatoires, la fiscalité des entreprises. Ce qui a fait perdre de la compétitivité, des parts de marché et, au total, cinq cent mille emplois industriels.

Il y a eu un autre facteur aggravant. « En France, depuis trente ans, souligne Christian Morrisson, 25 à 30% des familles disposant d’un patrimoine supérieur à 2,5 millions d’euros ont quitté le pays. » La fiscalité égalitaire a fait fuir la richesse – donc l’investissement créateur d’emploi. Les inégalités se sont accrues en Allemagne mais avec un chômage inférieur à 7% et des excédents commerciaux ; elles ont baissé en France mais avec près de 10% de chômeurs et des déficits colossaux. Ô égalité, que de sottises on commet en ton nom.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 3 février 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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