L’eau, ressource naturelle : allons-nous en manquer ? quelle sécurité hydrique ?

par Bernard Barraqué , directeur de recherche au CNRS, une communication de l’Académie des sciences morales et politiques

Allons-nous manquer d’eau ? Se battra-t-on pour l’eau au XXI ème siècle comme on s’est battu pour le pétrole ou pour l’or ? Telles sont quelques unes des questions abordées par Bernard Barraqué, directeur de recherche au CNRS dans la communication qu’il a donnée devant les membres de l’Académie des sciences morales et politiques réunis en séance le lundi 30 janvier 2012.

Bernard Barraqué a remis quelques idées à leur juste place :
- l'eau n'est pas un minerai, donc on ne se battra pas pour elle, comme pour l'or ou le pétrole. C'est une ressource naturelle renouvelable, comme la forêt, et que, de plus, on ne peut guère enfermer durablement (hormis les glaciers) ni transporter aisément (elle pèse lourd !). Il n'est donc guère possible de la posséder.
L'intervenant explique alors qu'il n'y a aucune raison d'en faire un "bien public mondial", comme le rêvent les altermondialistes. L'eau n'est pas l'air... C'est un bien public impur, ni un bien de marché ni un bien public pur...
Autre question importante : l'eau est-elle un bien collectif ? L'intervenant fait ici référence au Prix Nobel Paul Samuelson.
En cas de pénurie ou de rivalité, il faut inventer une règle d'usage partagé, souvent consentie parce qu'équitable, mais ensuite contraignante.

Bernard Barraqué, directeur de recherche au CNRS

La terre contient énormément d'eau, mais presque tout est dans les océans, donc salé. Or, déssaler la mer, si on sait le faire, coûte très cher en énergie. Quant à retenir pour la stocker une partie de l'eau des crues, ce serait envisageable, mais les barrages ont des impacts environnementaux. L'inquiétant, ce n'est pas le manque d'eau -il y a trois fois plus d'eau douce disponible qu'utilisée, mais c'est que la démographie et les usages de l'eau augmentent, et plus particulièrement dans les pays où il n'y en a pas assez ! L'eau ne va pas disparaître, mais elle peut devenir difficilement exploitable.

Bernard Barraqué consacre un long moment de son intervention à décrire la situation en France dont le principal problème n'est pas le manque d'eau mais la pollution. Il raconte également pourquoi on a créé les 6 agences de l'eau (en 1964).

Enfin, il se penche sur le principal demandeur d'eau dans le monde, non pas les populations, mais l'agriculture...

Il explique également la notion de "sécurité hydrique" : l'accès de chaque personne à assez d'eau sûre à un coût abordable, pour mener une vie propre, productive, en bonne santé, tout en assurant un environnement naturel protégé et amélioré (définition du Global Water Partnership, 2000).

Cette notion d'usage raisonnable et équitable mérite des précisions sur lesquelles l'intervenant revient à plusieurs reprises.

Quelques mots en conclusion :
- l'eau est difficilement appropriable, même par les Etats, car elle coule et on ne peut guère l'arrêter ni la posséder.
- en tant que ressource naturelle, éventuellement sujette à des rivalités sans possibilité d'exclusion, elle exige une gestion intégrée et participative (comités de bassin, gouvernance multi-niveaux).

Ecoutez les autres communications données à l'Académie des sciences morales et politiques, dans la série "Thématique 2012 : Asymétries et forces neuves du monde actuel"

- L’exploitation des ressources agricoles et agroalimentaires, par Michel Griffon

- Quel futur pour les métaux et terres rares ? par Didier Julienne

- Pierre Gadonneix : les ressources mondiales en énergie

- Henri Léridon : Les perspectives de la population mondiale

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