Nos soldats assassinés

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Désarmés. Nos soldats l’étaient, le 20 janvier, dans leur camp de la Kapisa, en Afghanistan. Ils partageaient un moment de détente avec ceux de l’armée afghane qu’ils étaient chargés de former – et avec qui ils vivaient quasiment jour et nuit. Un traître a surgi, fusil d’assaut à la main. Trente cartouches. Quinze hommes sont tombés, quatre tués sur le coup (les adjudants chefs Denis Estin et Fabrice Willm, le brigadier chef Geoffrey Baumela, du 93e régiment d’artillerie de montagne, le sergent chef Svilen Simeonov, du 2e régiment étranger de génie), un cinquième était entre la vie et la mort, sept autres gravement blessés. Cet assassinat collectif avait été soigneusement prémédité – un vendredi, jour de prière en pays d’islam où l’on est moins sur ses gardes, et six jours avant la venue à Paris du président Karzaï pour y signer un traité franco-afghan.

Nos soldats étaient désarmés comme nous nous sommes désarmés en face des talibans. Nous leur avons livré le calendrier de nos décisions politiques et stratégiques. A commencer par le chef de la coalition, Barack Obama, annonçant la date du retrait américain. Dès lors les talibans savaient combien de temps il leur fallait tenir ; ils disposaient des moyens de peser sur les gouvernements alliés à travers leurs opinions en tuant des soldats. Ils savaient qu’Obama voudrait accélérer – à cause de la présidentielle américaine comme il y avait aussi la présidentielle française. L’année 2011 fut meurtrière.

A cela, nous avons ajouté un handicap supplémentaire, en recherchant une négociation avec des talibans « présentables », puis, comme cela ne marche jamais, avec des talibans tout court. Les talibans ne pouvaient pas négocier affaiblis – or les alliés et l’armée régulière afghane leur avaient porté des coups sévères. C’est alors qu’ils ont intensifié les infiltrations et les trahisons qui avaient commencé en 2007. En trois ans, 58 tués. Avant le massacre du 20 janvier, deux sous-officiers français et un Américain venaient d’être tués dans les mêmes conditions. Le but est évident : généraliser le cancer de la méfiance pour démoraliser les opinions. Quand Hollande, le concurrent de Sarkozy, dit « la mission est terminée », il signifie: nous avons perdu l’initiative. Au profit des talibans ? « Ces assassins, dit Mgr Ravel, évêque aux armées, qui habillent leurs actes imbéciles du splendide nom de Dieu. »

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 27 janvier 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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