L’ingéniosité des plantes pour assurer leur survie dans les conditions extrêmes

avec Christian Dumas, de l’Académie des sciences
Christian DUMAS
Avec Christian DUMAS
Membre de l'Académie des sciences

Le monde végétal est beaucoup moins paisible qu’il n’y paraît. Pour survivre certaines plantes ont développé des stratagèmes de survie pour les moins originaux dans des conditions extrêmes. Certaines espèces résistent au feu, d’autres peuvent subsister sans oxygène ou sans eau. Christian Dumas, biologiste des plantes, nous livre une partie de leurs secrets !

Au cours de l’évolution, les plantes ont acquis de subtils mécanismes de défense afin de résister aux stress extrêmes. Pour nous aider à mieux comprendre les relations de cause à effet, Christian Dumas nous propose l’image suivante : « Imaginez un ressort attaché à un point fixe avec un crochet à l’autre extrémité. Le ressort mesure une certaine longueur au repos. Maintenant, si vous appliquez un poids qui correspond à un stress physique, ce poids entraîne l’allongement du ressort. Si vous enlevez le poids rapidement, il reprendra sa taille initiale.
Dans ce cas précis, on parle de stress réversible. En biologie, ce mécanisme de stress est très fréquent.
Deuxième cas de figure : le poids est lourd et la durée d’application du stress augmente, ce qui nous amène aux conditions extrêmes. Deux cas se présentent alors :
- Premièrement : ce ressort est moins élastique. Ce résidu d’élasticité est létal, l’organisme qui a subi ce stress va mourir.
- Deuxièmement : il va survivre. C’est ce qu’on appelle l'accommodation. Si le mécanisme a été sélectionné au cours de l’évolution, on parlera alors d’adaptation, des mutations positives qui permettent aux organismes vivants de survivre »
.

Les études de Christian Dumas ont toujours porté sur les procédés de reproduction des plantes. Le pollen, comme les graines, a pour rôle d’assurer la pérennité de l’espèce, son adaptation est non seulement nécessaire mais également crucial. Comme les graines, il s'est adapté : souvent secs, ils ont des besoins moins importants en eau et une durée de vie plus longue. C’est le cas, par exemple, des graines et du pollen de peuplier. A l’inverse « le pollen de maïs ne vit que quelques heures lorsqu’il est au contact de vents chauds. Il est constitué à 60% d’eau et se déshydrate très rapidement ».

Zones arides, manque d’oxygène et feux de forêts : quelques exemples d’espèces qui n’ont pas dit leur dernier mot !

Au-delà de la pollinisation, certaines plantes ont développé des ressources originales pour survivre en milieu hostile : feu, anaérobie, ou encore stress hydrique. Dans les déserts et dans les montagnes à forte altitude, confrontées au vent, au froid, les végétaux souffrent de déshydratation.

Le Pinus longaeva peut atteindre les 5000 ans d’âge. On le trouve aux Etats-Unis.

Dans les montagnes Rocheuses du Colorado, un pin Pinus longaeva a été l’objet d’étude d'un collège de botanistes américains pendant plusieurs annés. Ce pin ne s'acclimate pas en deçà de 3000 mètres d’altitude, et non content de battre le record d’altitude, il est aussi le recordman de la longévité avec plusieurs milliers d’années d'existence. « Il est pourtant assujetti au froid, aux variations de températures extrêmes, aux vents, à la glace et aux éboulis. En réalité, ces plantes ont développé une physiologie particulière, un organisme au ralenti. Les conifères sous nos latitudes perdent leurs aiguilles tous les ans ou tous les deux ou trois ans. Les pins taxus conservent en moyenne leurs aiguilles pendant 30 ans ! Lorsque nous étudions les troncs de ces arbres, nous constatons que certaines parties sont mortes alors que d’autres stockent des réserves ».

Autre environnement, autre spécificité, celui des îles Hawaï où vit une plante endémique et emblématique : le sabre d’argent. « Pour accéder au volcan de l’Île Maui, il faut passer par un sentier balisé pour éviter de marcher sur les sabres d’argent. Ils forment des bouquets de feuilles sériques avec de tous petits poils qui limitent l’évaporation et réfléchissent la lumière. Ils fleurissent au bout de 30 à 50 ans et émettent une hampe florale ».

Sabre d’argent en floraison

Et comment ne pas évoquer les cactées, ces plantes, symboles de l’Amérique, acclimatées bien au delà de son territoire . « Ses tiges stockent de l’eau sucrée et les feuilles en forme d’épine limitent la déperdition en eau ».

Pour lutter contre le manque d’oxygène, certaines ont trouvé la parade. C’est le cas du palétuvier dans les mangroves « de petites forêts arbustives qui vivent à la limite de balancement des marées, évoluant dans une zone souvent vaseuse donc sans oxygène ».
Dans ce cas précisément, nous observons plusieurs étapes découlant les unes des autres : les graines une fois fécondées ne sont pas dispersées. « Cas rarissime chez les plantes : le palétuvier est vivipare ! L’embryon qui se trouve dans la graine va émettre une plantule sur la plante mère. Elle va croître jusqu’à fabriquer une grande lance. Lorsqu’elle aura un certain poids, elle va tomber et se ficher dans la vase, permettant à la partie supérieure d’être en présence d’oxygène. A partir de là vont naître des racines aériennes qui vont s’enchâsser dans le sol, de petits trous dans ces racines permettront d’oxygéner la plante ».

Palétuvier de la Mangrove de Rivière-Salée en Martinique

Enfin, comment les espèces arrivent-elles à résister aux incendies de forêt parfois fréquents dans certaines régions ? La réponse est simple : les graines de certains arbres ont besoin d’une chaleur très importante pour se libérer de leur coque. « Il s’agit de la catégorie des fire trees. En Australie, les fire trees développent des follicules après fécondation qui deviennent durs comme le bois. Le fruit peut rester intact dans sa coque pendant plusieurs années. Il faut le passage du feu à une température de 400 degrés pendant plusieurs minutes pour faire éclater les parties du cône qui renferment les graines ».
Mais l’aventure ne s’arrête pas là… Une fois la graine à l’air libre, il faut attendre l’arrivée de la pluie pour que la petite membrane qui l' entoure se gorge d’eau et l’expulse à terre. Lorsque les pluies lessivent le sol de ses résidus carbonés, elles entraînent avec elles une molécule particulière qui favorise le processus de germination des fire trees.

Ecoutez les explications détaillées de Christian Dumas au cours de cette émission consacrée aux processus de survie originaux des plantes.

Christian Dumas
© Brigitte Eymann - Académie des sciences

Christian Dumas est biologiste des plantes, professeur émérite à l'Ecole normale supérieure de Lyon, membre de l'Académie des sciences.

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