Le grand jeu de Cannes

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Les premiers à trembler devant la Chine éveillée sont les Européens. Le lendemain du conseil marathon de Bruxelles sur la Grèce et l’euro, le premier coup de téléphone (prévu) de Nicolas Sarkozy était pour son homologue chinois, Hu Jintao. « Nous sommes parvenus à un accord historique ! » lui disait le président français qui ajoutait : « Maintenant, nous comptons sur vous… » Car Nicolas Sarkozy, président du G20 qui se réunissait à Cannes ce jeudi, avait bien besoin du soutien chinois pour son plan pour la croissance.

Sur la planète désormais, la Chine occupe la place de l’Allemagne en Europe ; elle accumule les excédents (3 000 milliards de dollars de réserves) et nous les déficits.
Le cas français est un bon exemple. La Chine est notre huitième client (moins de 5% de nos ventes), mais elle est notre deuxième fournisseur (8% de nos achats) : elle représente ainsi à elle seule plus du tiers de notre déficit commercial soit 23 milliards d’euros.
Les raisons ? Pas seulement les coûts de revient chinois : il s’y ajoute une politique de change qui creuse l’écart. Car le yuan chinois, inconvertible, est aligné sur le dollar, ce qui représente un avantage de 30%. On ne sera pas surpris que les Chinois achètent de l’euro, afin de maintenir son cours vis-à-vis du dollar !

Pour mettre fin à cette distorsion, il suffirait que les Chinois renoncent à sous-évaluer leur monnaie et la rendent convertible. Mais qui peut les en convaincre ? Ni nous ni personne. Il n’y a qu’eux qui le peuvent s’ils en retirent des contreparties. On entre ici dans le grand jeu de la mondialisation. Pour gagner aux Jeux olympiques, les Chinois ont dû les organiser, accueillir le monde entier, s’entraîner et se mesurer aux autres, loyalement. Même chose en économie : ils ne peuvent encaisser sans cesse des excédents sans développer la consommation et distribuer du pouvoir d’achat chez eux afin de tenir un taux de croissance élevé. Ce qui passe par la bonne santé de leurs clients d’Europe et d’Amérique. Ici ils souscriront à des emprunts européens, là ils cotiseront plus largement au Fonds monétaire international.
Et que réclameront-ils en échange ? Ici, la liberté d’investir et là, plus de droits de vote au FMI. Faut-il trembler ? Certes, on ne dressera pas contre eux de barrières de protection, mais si on ne peut pas se passer d’eux, eux non plus ne peuvent pas se passer de nous.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 5 novembre 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’Académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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