Quand la Grèce s’invite au G20...

Une épreuve à surmonter pour l’Europe ébranlée. La chronique de Jean-Dominique Giuliani sur l’Union européenne

On savait que l’interdépendance des économies était devenue l’une des caractéristiques du monde nouveau. Mais pouvait-on imaginer que la situation politique de la Grèce, avec ses 11 millions d’habitants, deviendrait le principal sujet de préoccupation des dirigeants des 20 plus importantes économies de la planète réunis à Cannes les 3 et 4 novembre 2011 ? Jean-Dominique Giuliani est président de la Fondation Robert Schuman.

En quasi-faillite avec une dette de plus de 350 milliards €, le berceau de la Démocratie, qui souffre depuis longtemps d’un grave défaut de gestion publique, se retrouve acculé par la crise de confiance qui défie la zone Euro et contraint par les Européens à mettre en œuvre un douloureux programme de redressement. La population grecque se révolte contre la potion européenne, pourtant moins amère que le remède que les experts du Fonds monétaire international lui administreraient en cas de faillite déclarée. La majorité parlementaire s’effrite, le pays s’est quasiment arrêté ; le Premier ministre Georges Papandreou, sans avoir prévenu ses partenaires européens, qui avaient adopté un plan exceptionnel de redressement le 26 octobre, a annoncé vouloir s’en remettre au peuple grec par un référendum.
Les marchés financiers très nerveux ont interprété cette nouvelle incertitude comme un signe supplémentaire de l’éclatement proche de la zone Euro. Les dirigeants européens l’ont pris pour un désaveu. Ils ont reçu le Premier ministre grec en urgence à Cannes, se sont réunis à plusieurs reprises, y compris avec le Président américain, Barack Obama, pour manifester leur souhait d’appliquer malgré tout le plan de sauvetage de la Grèce et prier les Grecs de ne pas organiser leur référendum.

Le monde entier avait les yeux tournés vers Cannes en espérant que les principales économies de la planète, représentant 85% de la richesse mondiale, allaient lancer un message d’espoir contredisant les sombres prévisions d’un ralentissement de la croissance, voire d’une dépression économique. Une fois encore, l’Europe a donné une image de confusion, de divisions et d’incertitude. Cette nouvelle épreuve sera-t-elle surmontée ?
Dans l’affirmative, elle pourrait pousser les Européens à accélérer la réforme de leurs modes de décision, inadaptés aux exigences de l’économie globalisée. Il leur faudra alors inventer aussi des procédures de contrôle et de soutien démocratiques aux instances qu’ils mettront sur pied et aux décisions qu’ils auront à prendre. Dans la négative, le sort de la Grèce deviendrait peu enviable en dehors de l’Euro et en marge de l’Europe, avec les conséquences sociales catastrophiques qu’on peut imaginer ; cette hypothèse serait aussi une très mauvaise nouvelle pour l’Europe et l’Euro pour qui cette éventualité aurait un coût économique élevé.

Alors qu’ils étaient réunis pour tenter d’imaginer les premiers pas timides d’une gouvernance mondiale plus nécessaire que jamais, les dirigeants du G20 ont été brutalement rappelés à la réalité difficile de la grande politique. Catherine de Russie la résumait ainsi à Diderot qui lui prodiguait ses conseils : « Monsieur le philosophe, vous, vous écrivez sur vos parchemins, moi j’écris sur le dos de mes sujets ».

Texte de Jean-Dominique Giuliani, le jeudi 3 novembre 2011.

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