Le voyage à Berlin

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

« Ma première visite sera pour Angela Merkel », disait Martine Aubry quand elle se voyait à Élysée. Même déclaration de François Hollande. Les deux nous ont expliqué : avec la chancelière, il faut être volontaire, avoir de l’ambition, forcer l’allure – pour changer l’Europe. Eh bien, si Hollande était élu, bon courage !

Personne n’a autant négocié avec Angela Merkel que Nicolas Sarkozy. Lui aussi est allé la voir le jour de son installation à Élysée. Quatre ans après, c’est toujours aussi rude. Il était encore à Berlin, dimanche dernier, quand François Hollande et Martine Aubry arrivaient en tête de la primaire socialiste. Il fallait d’urgence calmer les marchés, arrêter la crise bancaire, empêcher la faillite de la Grèce, sauver l’euro. Rien que ça. Depuis le plan de sauvetage du 21 juillet, c’était leur troisième tête à tête en trois mois. Elle avait gagné, le 29 septembre, la bataille du Bundestag en obtenant un vote massif en faveur du fonds de soutien européen. Pourtant, les Allemands n’étaient pas unanimement décidés à sauver la Grèce. Sarkozy continuait à plaider : laisser la Grèce tomber en faillite, c’était créer entre les États européens une contagion à la Lehman Brothers. Une bombe à fragmentation. Merkel en convient. Mais chez elle, l’accord suppose des contreparties.

Or ni lui ni elle ne peut aller au conseil européen du 23 octobre sans projet commun, pas plus que Sarkozy ne peut présider le sommet du G20 à Cannes, les 3 et 4 novembre, sans décisions concrètes à faire ratifier. Dans tous les cas, Merkel détient la clé, parce que c’est elle qui a l’argent. Elle ne décaissera pas un euro sans s’être assurée que les institutions européennes (gouvernement économique) lui garantiront que l’argent de ses électeurs ne sera pas dilapidé.

Et François Hollande irait la voir dans six mois ? Pour parler de quoi ? De solidarité, de protections, d’Europe sociale ? Mais que lui dirait-elle ? Que rien n’est possible sans discipline budgétaire, que le travailleur allemand ne cotisera pas pour les déficits et les retraites des Français, que la solidarité n’est pas à sens unique et qu’il faut d’abord redresser notre compétitivité, comme les Allemands l’ont fait. Hollande pourra toujours argumenter ; Merkel lui rappellerait que ses élections à elle sont en 2013 et qu’elle n’a pas l’intention de les perdre. Ni Sarkozy en 2012, d’ailleurs.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 15 octobre 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’Académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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