Bouillon de culture. Une chronique de François d’Orcival

De l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Alors que la bactérie E. Coli vient bouleverser le secteur agro-alimentaire et effrayer les consommateurs, François d’Orcival s’étonne de voir qu’elle a pour origine les graines germées, produit phare de l’agriculture biologique. Ironie du sort c’est à Bègles, dans la ville de Noël Mamère, que les derniers cas d’infection viennent d’être décelés...

_ Il fallait que cela tombe sur Noël Mamère : sur le grand moraliste de la politique et de l’écologie. C’est chez lui, en Gironde, dans sa mairie de Bègles, qu’a frappé la bactérie E. coli, celle qui a tué quarante-deux personnes en Allemagne (3 300 cas recensés) et vient d’en envoyer sept à l’hôpital de Bordeaux. Redoutable bactérie qui pullule dans certaines graines germées (ou dans des protéines animales) et qui a fait, à ce jour, plus de victimes que la catastrophe nucléaire de Fukushima. Champion de la fin du nucléaire, Mamère va-t-il aussi demander la fin des cultures de graines germées ?

Des bactéries Escherichia coli (en rose)

Sauf que la graine germée, c’est vert, c’est écolo, c’est bobo en diable. La bactérie n’a rien de nouveau, elle est connue de l’institut Pasteur depuis plus d’un siècle ; la nouveauté c’est la culture de la graine germée et sa contamination. La graine germée, voilà un produit frais et nutritif, qui ressemble à un produit « naturel » (sans en être un), une protéine végétale que l’on peut faire pousser chez soi. De quoi « construire un monde meilleur » sur son balcon, selon la littérature en vogue. Également disponible en boutique et sur Internet

La mode est venue de Californie dans les années quatre-vingt, elle s’est beaucoup répandue au cours des dix dernières années. Il suffit de plonger une graine dans un bain humide et chaud ; elle germe, et on la sert à table. Ça paraît « bio » - pas de produits chimiques, que de l’eau et de la chaleur – mais ce n’est pas « bio », car lorsque le bain d’humidité franchit une certaine température (pour accélérer la germination), celui-ci se transforme en bouillon de culture : un « liquide préparé pour le développement de cultures biologiques », définition qui correspond à ce qui se passe : la germination crée un milieu pathogène qui provoque l’épidémie.

Graines germées

La mode bobo est punie par la nature. Laquelle se venge quand la graine germée est artificiellement fabriquée par l’homme, qui plus est sans aucun contrôle sanitaire. Chacun peut faire pousser son « OGM » ! Qu’ont fait les cuisiniers de Bègles pour pimenter le repas de la kermesse qui a intoxiqué les malades ? Ils ont fait germer des graines de salade, de fenouil et de moutarde ; on leur avait dit que c’était meilleur… Et maintenant, Mamère peut toujours s’en prendre à la mondialisation et exiger une « politique pour ce type de cultures » : le diable se cache dans le germe.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 2 Juillet 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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