Quelle gestion de l’eau en Tunisie, au Sénégal et au Burkina Faso ?

Avec Doudou Ba, Mustapha Besbes et Vincent Dabilgou
Avec Mustapha BESBES
Associé étranger

L’eau est repartie de manière inéquitable, et le continent africain, à l’exception de l’Afrique centrale équatoriale, et l’Asie du Sud Ouest sont les régions du monde les plus sèches. Certainement l’avenir de ces pays passera-t-il par sa capacité à gérer l’accès à l’eau.Comment s’organiser pour répartir cette « richesse », l’utiliser au mieux et améliorer les techniques d’assainissements ? Éléments de réponses en compagnie du sénégalais Doudou Ba, du tunisien Mustapha Besbes et du burkinabé Vincent Dabilgou.

Dans son intervention, Doudou Ba, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences et technologies, nous dresse l’état des lieux du raccordement en eaux du Sénégal et des projets à mettre en œuvre pour développement les techniques d’assainissement.
Il faut dire que l’Académie des sciences du Sénégal joue un rôle prépondérant pour répondre aux questions de la gestion de l’eau. Si aujourd’hui, 98 % des villes du Sénégal sont raccordées à l’eau potable contre 77% de la population rurale, les chiffres sont en nette diminution en ce qui concerne le traitement des eaux usées. « Nous ne comptons pour l’instant que 62% de villes raccordées au système d’assainissement, et les chiffres tombent à 26,9 % en milieu rural » précise Doudou Ba. Équiper villes et villages en systèmes d’assainissement, c’est un des objectifs de l’Académie des sciences et technologies du Sénégal à travers le programme PEPAM, programme d’accès à l’eau pour le millénaire en cours d’exécution jusqu’en 2015. Outre ces deux points que sont l’accès à l’eau potable et l’assainissement, « nous devons également faire face aux besoins en eau pour l’agriculture et l’élevage. La saison des pluie ne dure que deux à trois mois et très souvent, les nappes ne sont pas approvisionnées avec en parallèle une surexploitation des terres. Compte-tenu de ce déficit chronique en eau, on observe un phénomène de salinisation des terres » explique le secrétaire perpétuel.

La Tunisie et les pays arides : quel avenir pour leur consommation en eau ?

Si le Sénégal est confronté à des baisses chroniques des réservoirs d'eau dans ses nappes phréatiques, la Tunisie n’est pas en reste.
« Il tombe 36 km3 d’eau par an, dont 90% s’évapore ou repart par l’évapotranspiration des plantes sauvages et cultivées. Pour vous donner une idée, la moyenne mondiale d’évaporation est de 62% » énonce Mustapha Besbes.
De plus en plus les hydrologues des pays arides comme notre inivté tunisien considèrent que l’eau reprise par l’ évapotranspiration des plantes constitue une ressource considérable, de l’ordre de 2 à 3 fois la quantité d’eau qui ruisselle et qui s’infiltre. « Il faut donc la valoriser et lui accorder les investissements nécessaires » assure-t-il.
Il ne faut pas non plus oublier ce qu’on appelle « l’eau virtuelle ». Il s’agit d’une quantité d'eau utilisée pour des produits agricoles voués à l’exportation. « Ces produits transportent en quelque sorte toute la quantité d’eau ingurgitée au cours de leur vie, ce qui constitue le tiers du bilan d’eau de notre pays. C’est un chiffre considérable » nous dit Mustapha Besbes. Pour palier ces difficultés, le concept de « sécurité hydrique » a été mis en place dans les pays arides et notamment en Tunisie. « Cette sécurité est basée sur deux paramètres : la démographie et la vulnérabilité de la ressource. L’exemple de la Tunisie est intéressant parce que le pays a maîtrisé sa démographie. Le premier paramètre n’intervient plus. En revanche nous prélevons beaucoup trop de nos ressources » selon Mustapha Besbes

Pourtant, hydrologue n’est pas pessimiste sur l’avenir des pays arides et leurs ressources en eaux. « Malgré une faible quantité d’eau disponible par habitant on s’en sortir dans la mesure si nous maîtrisons les grands défis qui nous attendent. Il n’est pas question de moins consommer mais de savoir comment consommer l’eau et la gérer. Comment mieux gérer l’eau virtuelle, comment améliorer les termes du bilan hydrique national et comment réduire la surexploitation des eaux souterraines. Il nous faut une gouvernance de l’eau avec de la démocratie et de la transparence mais aussi une plus grand connaissance générale de la société » termine-t-il.

Urbanisation et assainissement de l’eau : l’exemple du Burkina Faso

Dans les 30 ans à venir, on estime que la population urbaine de l’ensemble de l’Afrique dépassera l’ensemble de la population des pays d’Europe. Les enjeux d’urbanisation et de gestion de l’eau dans une urbanisation bondissante sont donc essentiels.
« L’Afrique est vulnérable : elle est sujette aux inondations comme aux sécheresses avec les famines qui en découlent. En septembre 2009 par exemple près de 300 millimètres d’eau sont tombés en 5 heures dans la capitale Ouagadougou. Plus de 2500000 habitations sont tombées. A l’inverse, la grande sécheresse de 1983 a provoqué 400 morts au Burkina Faso » nous détaille Vincent Dabilgou.
Ancien ministre de l’habitat et de l’urbanisme Vincent Dabilgou est soucieux de voir se développer au sein du Burkina Faso des structures de distribution d’eau et d’assainissement dans son pays et non plus calquées sur un modèle européen. Jusqu’à présent, « les villes africaines ont été conçues sans tenir compte de l’eau comme fil conducteur de l’aménagement ». Aujourd’hui, le Burkina cherche à collecter ses eaux pluviales, à développer des techniques d’assainissement autonome par la récupération des boues comme engrais agricole.

Mustapha Besbes, Doudou Ba et Vincent Dabilgou (de gauche à droite).
© Canal Académie

Doudou Ba est secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences et technologies au Sénégal. Cette dernièreintervient sur la conservation et la protection de la qualité des ressources en eau eau Sénégal.

Mustapha Besbes est professeur émérite à l'Ecole Nationale d'Ingénieurs de Tunis, membre associé étranger à l’Académie des sciences en France. Il est hydrogéologue spécialiste des pays arides et des aquifères géants du Sahara. Il coordonne notamment le Système aquifère du Sahara Septentrional (SASS), destiné à faire le bilan des nappes de cette région du Maghreb.

Vincent Dabilgou est ancien Ministre de l’habitat et de l’urbanisme du Burkina Faso. Il est membre de COBATY international, fédération de la construction de l’urbanisme et de l’environnement.

En savoir plus :

- Mustapha Besbes, Associé étranger à l'Académie des sciences

- Le GID, Groupe Inter-académique pour le Développement
- Forum GOD-COPED (Comité pour les pays en développement) les 12 et 13 mai 2011 à l'Institut de France : Détail du programme

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