Les années Mitterrand par Jacques Attali

Deux mille cinq cent pages pour raconter dix ans au coeur de la machine élyséenne... Interview par Damien Le Guay
Avec Damien Le Guay
journaliste

Jacques Attali a été aux côtés du président François Mitterrand pendant 10 ans. 10 années durant lesquelles rien de ce qui se passait dans les coulisses de l’Élysée ne lui a échappé ; il a tout consigné dans son oeuvre monumentale : Verbatim. Ces annales présidentielles viennent d’être rééditées dans la collection Bouquins-Robert Laffont, l’occasion pour Damien Le Guay de revenir avec Jacques Attali sur la face cachée des années Mitterrand.

Émission proposée par : Damien Le Guay
Référence : pag923
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Nous venons de "célébrer" les 30 ans du 10 mai 1981 non sans liesse pour le « peuple de gauche » orphelin de ce lyrisme d’antan. C’était l’époque où certains voulaient ni plus ni moins « changer la vie ». D’autres pensaient qu’un passage s’était opéré : passage de « l’ombre » à la « lumière ». Si une certaine nostalgie flotte dans l’air, dans le cadre de ces commémorations, c’est sans doute qu’aujourd’hui, trois décennies plus tard, nous sommes confrontés à une énième expression d’un état permanent de crise et, de plus en plus, aux effets de la mondialisation.
Nous avons demandé à Jacques Attali de bien vouloir nous éclairer sur les « années Mitterrand » lui qui était, pendant 10 ans, au cœur de la machine élyséenne.

Viennent de reparaitre, en collection Bouquins-Robert Laffont (en deux tomes), les trois volumes de son Verbatim. En tout, 2 437 pages qui couvrent les dix premières années des deux septennats de Mitterrand. Ce livre-fleuve est une chronique, au jour le jour, des différents évènements de la présidence, de la gauche au pouvoir, du gouvernement en action et aussi des relations internationales sans oublier les décisions, humeurs et réflexions diverses de François Mitterrand lui-même. Jacques Attali était à la fois son conseiller, son confident, son mémorialiste, son « père Joseph » et son ami.

Rappelons que Jacques Attali a connu François Mitterrand en 1965, alors qu’il n’a que 22 ans et est encore élève à Polytechnique (avant d’en sortir major). Il le fréquente en 1968, quand il fait son stage de l’ENA dans la Nièvre, et en 1974, âgé de trente ans, il dirige sa campagne présidentielle. Et donc, de 1981 jusqu’en 1991, il sera son « conseiller spécial », son « sherpa » (à savoir son représentant pour la préparation des grands sommets internationaux), au courant de tout, capable de donner son avis sur tout – sans pour autant avoir de responsabilité officielle dans un poste officiel. Tout reposait donc sur la confiance intuitu personae de François Mitterrand à son égard. « Dès notre arrivée » dit-il « à l’Elysée, il me demanda de prendre des notes en vue de raconter, un jour, dans un livre, sa Présidence. J’ai même cru, un moment, que ce rôle de mémorialiste était le seul qu’il me réservait. »

Il ne s’agit pas ici, dans cet entretien, de revisiter les « années Mitterrand » avec ses énergies lyriques et sa part d’ombre, ou même de les passer en revue. Pour cela, ce Verbatim, document de première main, brut, sans fioriture, sorte de saisie directe des évènements quand ils adviennent, avec de grandes discussions du Président avec les « grands de ce monde » (Reagan, Thatcher, Kolh, Gorbatchev…), permet de mieux comprendre, de l’intérieur, ces années d’enthousiasme et de désillusions. Non, il est question, avant tout, de mieux saisir cette relation d’amitié entre deux hommes, de la resituer dans son contexte et de comprendre les leçons que Jacques Attali tirent de cette expérience au cœur du pouvoir. Car, ses jugements sont pessimistes. A propos des hommes politiques il indique (10 février 1982) « ce métier discrédite les meilleurs et exalte les plus médiocres ».

Par ailleurs Jacques Attali, qui refuse l’idée qu’il y eu, après les premiers mois et la relance (par la consommation) et l’accumulation des déficits, un « tournant », met bien en évidence que le 13 juin 1982, après le sommet de Versailles, une prise de conscience s’effectue « le tournant est pris », un « plan de rigueur » est à l’ordre du jour. Il faut dire que juste avant, François Mitterrand mesurait, dans un art consommé de communication, toutes les conséquences financières de son programme appliqué à la lettre. Il indique (8 avril 1982) à ses ministres « Il est très louable que le gouvernement tienne mes engagements. Encore eut-il été opportun qu’il mesurât dés le début où cela nous conduirait et le dise ! » .

Damien Le Guay

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