Science Fiction par Michel Pébereau : Terra de Stefano Benni

Une odyssée de l’espace abracadabrantesque
Michel PÉBEREAU
Avec Michel PÉBEREAU
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Michel Pébereau, membre de l’Académie des sciences morales et politique, a un goût prononcé pour la science-fiction et l’humour. Aussi lui était-il impossible de ne pas présenter Terra, chef d’oeuvre de la science-fiction italienne et satirique. Entrez dans un univers où les souris déclenchent des guerres nucléaires et où les robots sont de véritables Cordons bleus à circuits électriques.

_ Le ton est donné dès le prologue. C’est dans un monde ravagé par l’apocalypse nucléaire que nous entraîne Stefano Benni. L’origine ? Une souris réfugiée dans la ventilation d’un centre opérationnel du Pentagone en août 2039 en Californie : en tombant sur le bouton rouge, elle déclenche le lancement des missiles. La riposte russe est immédiate. C’est bien de la SF ; mais dans le genre satirique.

Un siècle et trois guerres mondiales plus tard, notre planète est assez invivable. Elle est coupée du Soleil par de lourds nuages de particules, vit dans le froid, et ses réserves d’énergie s’épuisent. La technologie a progressé : il y a de petits vaisseaux spatiaux, et l’on a doté d’intelligence des robots, et certains animaux. Les survivants des vieilles nations se sont regroupés en alliances nouvelles. La fédération sino-européenne a sa capitale dans un Paris reconstruit au milieu des glaces. Elle reçoit d’un pilote un message extraordinaire : il a découvert une planète analogue à la Terre des origines. Mais il disparaît dans l’espace avant d’en donner les coordonnées… Pour retrouver cet Eden, la Fédération lance une expédition. Celle-ci est suivie à la trace par les vaisseaux de l’empire « aramrusse » et de l’empire militaire « sam », alertés par leurs espions. Leur odyssée sera riche de rebondissements.

Tous les personnages sont pittoresques. Le Premier Ministre de la Fédération, un militaire mutilé, est conseillé par un génie, Franck Einstein, 12 ans, né dans une éprouvette, et docteur ès sciences ; ils sont assistés d’un ex-présentateur de télévision et d’un ordinateur, Genius. Dans le vaisseau spatial il y a un bourlingueur repris de justice, un chercheur poète, et un robot à tout faire, expert en mathématiques et en gastronomie ; une jeune femme séduisante y assure la liaison télépathique avec un vieux philosophe chinois resté à terre. L’équipe de l’empire « sam » est dirigée par un général samouraï : psychorigide, il accule à la mutinerie par ses abus de pouvoir son équipage de souris intelligentes. Côté aramrusse, le riche sheik Akrab, superstitieux et paranoïaque, décime son équipe, invente des complots pour détruire ses proches, et peine à commander ses russes et américains arabisés.

Le récit est parsemé de petits contes : l’homme qui achète l’au-delà, le petit chaperon noir, la guerre des disques... Autant d’occasions de se moquer de quelques-uns des travers de notre société. Qu’on se rassure : comme Ulysse, les hardis navigateurs finissent par rentrer chez eux. Mais d’une façon originale, qui permet de justifier les recherches conduites tout au long de l’aventure par les Sino-Européens sur un site inca.

Journaliste, et romancier, l’italien Stefano Benni a le goût de la satire, sociale et politique. C’est un remarquable conteur, dans la lignée d’Italo Calvino. Pour analyser personnages et situations il passe aisément de l’humour tendre à l’ironie mordante. Peu remarqué lors de sa première édition en français en 1985, Terra mérite vraiment d’être redécouvert.

Michel Pébereau.

Michel Pebereau tient régulièrement depuis 7 ans, une chronique sur l’actualité de la science-fiction dans le Journal du Dimanche qui a aimablement autorisé Canal Académie à la reprendre de manière sonore.

Stefano Benni - Terra – Ed. Mnémos (289 pages) 21 €

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