Irrésolution française, irrésolution ONU. Une chronique de François d’Orcival

de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

L’application des résolutions de l’ONU permet-elle d’entraver les velléités bellicistes de Laurent Gbagbo ? L’action française dans ce pays en crise est-elle toujours autant décriée ? François d’Orcival, académicien et journaliste, apporte aux auditeurs de Canal académie les éclaircissements nécessaires à la compréhension de l’affaire. Retrouvez aussi sa chronique, le samedi, dans le Figaro Magazine.

Laurent Gbagbo ne pouvait pas se moquer plus longtemps des résolutions de l’Onu. Le 30 mars, le Conseil de Sécurité en avait voté une de plus, à l’unanimité ; elle donnait aux casques bleus présents sur place (les dix mille hommes de l’Onuci) mission de protéger les populations civiles, d’empêcher l’emploi d’armes lourdes, de garantir la liberté de circulation des soldats de l’ONU et fantassins français sur le territoire ivoirien ; elle condamnait, même, l’emploi de la télévision d’Etat aux fins d’entretenir la guerre civile.

Laurent Gbagbo barrait les routes, laissait tirer sur les casques bleus, employait ses canons contre les forces de son adversaire, Alassane Ouattara, et transformait la télévision en forteresse. Et M. Choi, le représentant spécial (coréen) de l’ONU à Abidjan, regardait passer les coups.

Alors, comme en Libye, comme au Tchad, Nicolas Sarkozy a pris les devants. Le bataillon français de Côte d’Ivoire (900 hommes) ne pouvait agir que sous couvert de l’ONU, c’est-à-dire sous le couvert de M. Choi ? Très bien, dit le chef de l’Etat, mais on ne va pas laisser assassiner nos ressortissants alors que nous avons des soldats sur place. Le soir du 3 avril, il ordonnait de renforcer notre contingent, d’occuper l’aéroport d’Abidjan, point névralgique de ravitaillement et d’évacuation, de déployer les moyens indispensables, et de rassembler les Français sur la base de Port Boué. Puis, il prenait son téléphone pour appeler Ban Ki Moon, le secrétaire général de l’ONU : combien de massacres fallait-il pour faire bouger M. Choi ? Celui-ci s’est aussitôt décidé. Et l’opération finale a pu commencer, conformément à la résolution votée.

Il y a déjà sept ans que la France ne voulait plus « porter le chapeau » en Côte d’Ivoire. Depuis que Dominique de Villepin s’était fait insulter à Abidjan, en janvier 2003, et que l’on décida de réunir les parties en guerre civile (déjà) pour dresser un calendrier politique et le confier à l’Onu. Gbagbo répliqua en 2004 en faisant bombarder le camp français de Bouaké. On attendit encore six ans la tenue d’une élection présidentielle, le 28 novembre dernier, qui sonna le début de la lente agonie du pouvoir en place. Quand la France était en première ligne, l’ordre se rétablissait en quatre heures ; quand c’est l’ONU, il faut quatre mois pour réagir, et c’est la France qui revient pour éviter le pire.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 9 avril 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d'Orcival n'engagent que lui-même, et non pas l'académie à laquelle il appartient ni l'Institut de France.

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