Philippe Nicolas, un artiste au royaume des pierres dures et fines

Portrait du Maître d’art de chez Cartier et témoignage de l’académicien Jean-Pierre Babelon à l’occasion des Journées des métiers d’art 2011
Jean-Pierre BABELON
Avec Jean-Pierre BABELON
Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

Philippe Nicolas, Maître d’art chez Cartier, nous parle de sa passion pour les pierres dures et fines. Son travail de graveur-sculpteur est mondialement reconnu et a même poussé certains académiciens à faire appel à son talent pour leur épée. Jean-Pierre Babelon, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, témoigne sur un métier d’excellence mis à l’honneur pour ces Journées des métiers d’art, durant les trois premiers jours d’avril 2011.

A l'occasion des Journées des métiers d'art 2011, Canal Académie s'associe à l'Institut National des Métiers d'Art pour faire découvrir les plus grands talents de notre pays.

Philippe Nicolas est “sculpteur-graveur” de pierres dures et fines : “glypticien” en langage technique, artiste en langage courant. Il travaille pour la prestigieuse marque Cartier. Son talent est apprécié des plus grandes maisons de joaillerie parisiennes mais aussi des académiciens.

Jean-Pierre Babelon nous raconte dans cette émission comment et pourquoi il a fait appel à Philippe Nicolas pour la gravure de son épée. Ce dernier aime les matériaux naturels, rares et précieux : «J'aime redonner la vie à des pierres qui sortent d'un autre temps.» Né en 1956, il est diplômé de l'école Boulle en 1976 où il a étudié la gravure sur verre. Il intègre ensuite l'Ecole des beaux-arts. Est-il poète ? Certainement car il le faut : «Travailler les pierres pour moi, c'est une sorte de philosophie. Il y a beaucoup d'abnégation, c'est l'apprentissage de la vie.» Le métier est dur et demande beaucoup de rigueur. La discipline qu'il s'inflige le rend patient et perfectionniste : «Il faut accepter les défauts de la pierre mais aussi le temps qu'on y passe ou le fait d'avoir du mal à aller jusqu'au bout du travail. Finalement, il faut accepter un jour de dire : «stop, c'est fini, maintenant la pièce est terminée et je passe à autre chose.»»

Travail de préparation servant à créer une boite en fleur de lilas. Avant d’entamer la sculpture, véritable défi et expression de son savoir-faire, le graveur sculpteur réalise un premier modelage et un plâtre qui permettront d’appréhender le volume et la forme de la pièce mais aussi d’en conserver une trace.
Phase intermédiaire du travail
Boite en fleur de lilas en sugilite


Gravure de l'épée de Jean-Pierre Babelon

L'académicien des inscriptions et belles-lettres, Jean-Pierre Babelon, a fait appel aux services de Philippe Nicolas (il en parle dans cette émission) pour la gravure de 4 cabochons de cristal de roche qui constituent 4 emblèmes de sa vie :

- Le “H” de Henri IV traversé par une épée. Il évoque l'évolution des goûts et de la carrière de M. Babelon, historien "dixseptièmiste", et notamment du roi Henri IV.

- La place des Vosges, création de Henri IV qui rappelle la spécialité de l'académicien : l'histoire du Paris du XVIIème siècle.

- Le château de Versailles que M. Babelon a dirigé pendant 7 ans, fonction qu'il occupait lorsqu'il a été élu académicien. On y voit un parterre d'eau et des bassins.

- Un soleil doré, symbole de Versailles.

NB : Le concepteur de l'épée est Jacques Sitoleux, ancien directeur artistique chez Christofle. Ajoutons aussi que Jean-Pierre Babelon avait un aïeul, chartiste et numismate renommé qui enseigna la numismatique et la glyptique au Collège de France : Ernest Babelon (1854-1924), membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

La panthère de Cartier présentée à la Biennale des antiquaires 2010

A la Biennale des Antiquaires au Grand Palais 2010, Cartier présentait des bijoux panthères sculptés dans du bois pétrifié. Le bois pétrifié est un bois métamorphosé en pierre il y a plus de 70 millions d'années. Au contact prolongé de l'eau, le bois n'a conservé que son squelette, la silice a pris la place de la matière : le bois est devenu pierre. Cette panthère est une pièce unique dans l'anthologie de la joaillerie. Nous vous faisons découvrir ici les étapes du travail.

© Cartier
© Cartier
© Cartier
© Cartier

Une histoire de travail, d'amour et de temps...

Passer plus de 350 heures de travail sur une seule pièce ne fait pas peur à Philippe Nicolas. « Je me considère d'abord artiste, j'ai une certaine conscience de ce que je porte au fond de moi et de ce que j'ai à transmettre. C'est un investissement. Un artiste doit être capable d'exprimer ce qu'il a au plus profond de soi. » Le Maître d'art ne plaisante pas avec sa conception du métier d'art ! Pour lui, c'est un métier qui s'applique à des techniques artistiques. «Il faut faire la différence entre la technique artistique, artisanale et commerciale». Le titre de "Maître d'art" est attribué aux personnes qui le demandent et qui s'engagent à transmettre ce qui correspond à leur vocation.

Boucles d’oreilles : fleurs de cerisier en opale rose  avec les cœurs en morganite et saphir. Travail effectué sous la direction de Philippe Nicolas par son élève Miho Nakatami. Ceci dans le cadre de la transmission qui va de pair avec le titre de Maître d’art

De ces dizaines d'années à graver, Philippe Nicolas garde un sentiment de joie et le besoin de transmettre : «L'art de graver les pierres, c'est un bon art de vivre : c'est comprendre la nature, c'est transmettre, être patient, peut-être aussi être rebelle.» Le Maître d'art compte bien faire partager tout ce qu'il a appris et continuer à faire passer ses secrets notamment auprès de son élève Emilie qui a la chance d'être à ses côtés depuis près de 6 ans. Comme il le dit lui-même : «Je veux faire connaître la technique mais aussi les pierres, refaire découvrir cet incroyable univers aux jeunes pour qu'ils puissent s'y intéresser.»

Comme le souhaitait le fou de gemmes Roger Caillois, de l'Académie française, Philippe Nicolas exhausse les rêves enfouis et retenus dans le dur... Une façon de les pérenniser. «Les pièces que je préfère sont celles qui garderont le plus de mémoire poétique dans le temps.»

Philippe Nicolas, Maître d’art chez Cartier

En savoir plus :

- Les Journées des Métiers d’Art ont été initiées en 2002 par le ministère de l’Artisanat. Elles sont désormais placées sous l’égide de trois ministères. Au niveau national, c’est l’Institut National des Métiers d’Art (INMA) qui coordonne l’organisation de cet événement avec le soutien en régions des Chambres de Métiers et de l’Artisanat et de l’ensemble du réseau des acteurs métiers d’art (Ateliers d’art de France, Réseau Villes et Métiers d’Art, Vieilles Maisons Françaises...).

Les Journées des Métiers d’Art ont lieu chaque année le premier week-end d’avril. Elles se déroulent partout en France dans les ateliers des professionnels et dans les centres de formation aux métiers d’art qui ont fait le choix de participer à l’événement. Elles s’incarnent aussi dans de nombreux lieux liés au patrimoine et à la création (monuments nationaux en cours de restauration, musées, châteaux, places publiques...). Chaque région propose un programme singulier en fonction de son histoire, de ses traditions et de son potentiel créatif.

- Ecouter des émissions avec [Jean-Pierre Babelon ->http://www.canalacademie.com/+-Jean-Pierre-Babelon-+.html]

- Jean-Pierre Babelon à l'Académie des inscriptions et belles-lettres

- Programme des Journées des métiers d'art par région, 1er, 2 et 3 avril 2011

- Institut National des Métiers d'art, l'INMA, site officiel

Institut National des Métiers d’Art
Viaduc des Arts, 23 avenue Daumesnil, 75012 Paris
Tél : 01 55 78 85 85

- Association des Maîtres d'art et de leurs élèves
- Ateliers d'art de France
- Annuaire officiel des métiers d'art de France
- le Réseau Villes et Métiers d’Art, l'Association Vieilles Maisons Françaises.

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