Les fondements du nazisme, nouvel éclairage...

Une histoire théologique du national-socialisme par Fabrice Bouthillon, invité de Christophe Dickès
Avec Christophe Dickès
journaliste

Fabrice Bouthillon publie "Nazisme et Révolution, Histoire théologique du IIIe Reich", chez Fayard, une réflexion décapante sur les fondements politiques du mouvement des années 30 et 40. Collaborateur régulier à la revue fondée par Raymond Aron, "Commentaire", notre invité est historien, professeur à l’Université de Bretagne occidentale, spécialiste d’histoire religieuse, d’histoire contemporaine et des totalitarismes. Il renouvelle la réflexion sur le national-socialisme.

Émission proposée par : Christophe Dickès
Référence : hist643
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Au cours de cette émission, l'historien Fabrice Bouthillon présente une vision inédite du national-socialisme. Comme le fit l'historien américain George L. Mossé dans sa réflexion sur la brutalisation des sociétés européennes, Bouthillon a tout d'abord le mérite de situer le mouvement allemand sur le temps long, démarche assez rare dans le monde des spécialités historiques. Il avait d'ailleurs emprunté le même chemin en travaillant sur sa thèse. Il réitère l'exercice en situant l'origine du nazisme comme une part de l'héritage des Lumières et de la Révolution française qui scinda l'espace politique entre gauche et droite. L'idée, en soi, n'est pas nouvelle et renvoie à la responsabilité rousseauiste dans l'émergence des totalitarismes parallèlement à celle des régimes démocratiques modernes ayant mis à bas l'Ancien-Régime. Il n'y a encore pas si longtemps, Emmanuel Le Roy Ladurie écrivait dans son introduction au livre publié sous l'égide de l'Académie des Sciences morales et politiques, Personnages et Caractères XVe-XXe siècles (ASMP-PUF, 2004): "Je crois d'abord que Hitler est un révolutionnaire au sens le plus déplorable, le plus détestable de ce terme (...) Il est une partie prenante , il en est même l'un des coryphées, tout à fait haïssable bien évidemment" Mais de son côté, Bouthillon va plus loin en expliquant que l'histoire politique moderne se résume à une tentative de réconciliation des deux tendances formées par la coupure révolutionnaire entre la Gauche et la Droite. Hitler n'échappe pas à cette logique, formant comme une forme de centrisme par addition des extrêmes quand d'autres régimes -comme la République de Weimar, constitue aussi une variation centriste mais, cette fois, par exclusion des extrêmes. La nouveauté de la thèse réside en partie dans l'affirmation de la composante d'extrême-gauche d'un mouvement généralement placé à l'extrême-droite uniquement.

Pour appuyer son propos, l'auteur reprend donc des textes que l'historiographie a eu tendance à mettre de côté: Mein Kampf, mais aussi le testament politique de Hitler se situent aux extrémités d'un "règne" politique qui a fait basculer l'Europe dans l'horreur. Mais Bouthillon développe une pensée bien plus originales en donnant aux dernières volontés de Hitler une dimension quasi-religieuse qui transparait dans le geste ultime du dictateur: Hitler en effet se suicide le 30 avril 1945 et son corps est brûlé à l'entrée du bunker dans lequel il s'était réfugié depuis plusieurs semaines. Le bunker vide renvoie, en toute conscience, au tombeau du Christ lui-même vide à l'aube de la Résurrection... D'après Bouthillon, Hitler a souhaité en toute conscience livrer un message quasi théologique et mythologique en sacralisant sa personne dont on ne trouve plus la trace...

L'invité.

Fabrice Bouthillon est un historien français, ancien élève de l'École française de Rome et ancien élève de la Rue d'Ulm. Il est actuellement professeur à l'Université de Bretagne Occidentale, à Brest. Il est spécialisé en histoire religieuse du monde contemporain, en histoire diplomatique et en histoire des totalitarismes. Il est l'auteur de nombreux ouvrages: Les Schèmes que l'on abat, A propos du Gaullisme (Plon, 1995), De La naissance de la Mardité, une théologie politique à l'âge totalitaire (PUS, 2001), Brève Histoire philosophique de l'Union Soviétique (Plon, 2003), L'illégitimité de la République (Plon, 2005). Son dernier livre consacré au nazisme est le développement d'un article publié pour la première fois dans la revue "Commentaire" et intitulé "Et le bunker était vide". Il a remporté pour ce texte le prix Henri Hertz de la Chancellerie des Universités de Paris qui récompense "une œuvre (historique, critique ou de fiction) propre à faire connaître et comprendre les préoccupations éthiques ou civiques du courant auquel Henri Hertz a appartenu".

- Retrouvez Fabrice Bouthillon dans la revue Commentaire.

Précision :

Comme tout invité qui s'exprime librement sur Canal Académie, ses propos n'engagent que lui-même, et non les académies ni l'Institut de France.

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