Le casino fiscal. Une chronique de François d’Orcival

de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

L’académicien évoque la nouvelle politique liée à l’ISF. Les recettes 2010 sont supérieures de 400 millions d’euros aux prévisions... François d’Orcival reprend ici, au micro de Canal Académie, la chronique qu’il donne, le samedi, dans Le Figaro Magazine.

Le Budget vient de tirer un bon numéro : les recettes 2010 de l’ISF sont supérieures de 400 millions d’euros aux prévisions, 4,5 milliards au total, près de 1 milliard de plus qu’en 2009, mieux même qu’en 2008, avant la crise. On est donc bien en « sortie de crise ». Bonne nouvelle à tempérer : c’est surtout la hausse de l’immobilier qui fait celle du produit de l’ISF, pas l’activité. Est-ce même une bonne nouvelle ? Ces 4,5 milliards prélevés sur la fortune privée n’iront ni à l’investissement ni à la consommation.
Cela invitera-t-il à accélérer la réforme de l’ISF ? Jean-François Copé le souhaite. François Fillon nous l’annonce pour le mois de juin. Mais si l’on devait réformer l’ISF (et enterrer le bouclier fiscal) comme on a réformé les 35 heures, ce serait un trompe l’œil.

Un travail préparatoire a été confié à un député imaginatif qui avait déjà planché sur la TVA sociale, Jérôme Chartier. Il a remis son rapport l’autre semaine. Ne pouvant s’écarter de l’exercice imposé (recettes fiscales égales), il supprime l’ISF pour les trois quarts des contribuables, mais le conserve pour un quart ; il le remplace par une nouvelle taxe sur les plus-values des résidences principales, mais celles d’un prix de vente supérieur à 1,2 million ; il y ajoute une surtaxe foncière pour les résidences secondaires les plus chères et une surcharge sur la fiscalité des entreprises. Il aboutit ainsi à un montage incohérent – et contradictoire : on fige l’immobilier au lieu de le fluidifier, on favorise la location plutôt que la propriété, on s’éloigne de la fiscalité allemande (qui ne taxe pas ces plus-values) au lieu de s’en rapprocher, sans même rapatrier un seul euro réfugié à l’étranger.

Pourquoi ? A cause d’une maladie bien française : notre instabilité fiscale. Le président de l’institut de recherches économiques et fiscales, l’avocat Jean-Philippe Delsol, la juge pire pour les entreprises que l’instabilité financière. Car personne ne croira que les taux et les seuils annoncés aujourd’hui seront conservés demain. Au casino de Bercy, on ne sait jamais quel numéro sortira. Car il y a aussi l’idéologie « redistributive », laquelle veut punir les riches d’avoir créé de la richesse. Ainsi on supprime l’ISF, sauf pour les patrimoines de plus de 4 millions ; ce qui revient à proclamer qu’en deçà, la richesse est « acceptable » tandis qu’au-delà, elle devient « punissable »…

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 29 janvier 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Ses propos, personnels, n'engagent que lui-même et non l'académie dont il est membre.

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