Nicolas Baudin : explorateur de l’Australie et de la Tasmanie (1/2)

Histoire d’un périple scientifique mouvementé, par Françoise Thibaut, correspondant de l’Institut
Avec Françoise THIBAUT
Correspondant

Nicolas Baudin (1754-1803), marin, capitaine et explorateur français propose au Premier Consul Bonaparte qui le reçoit le 25 Mars 1800 et accepte le projet, de partir pour l’exploration de l’Australie et de la Tasmanie... Bien des aventures allaient suivre. Françoise Thibaut, globetrotteuse et correspondant de l’Institut, nous conte son histoire en deux volets, dont voici le premier.

Émission proposée par : Françoise THIBAUT
Référence : chr803
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La Monarchie d’Ancien Régime, même défaillante et mal partie, encouragea et soutint l’exploration du monde et des mers lointaines. Cet élan fut interrompu par la Révolution et l’Empire, strictement occupés à leur destin européen. Cette absence profite à la Grande Bretagne, laquelle constitue en 25 ans les bases de ce qui va devenir l’Empire Britannique.
A une exception près, cependant : l’unique et incroyable expédition de Nicolas Baudin proposée en 1800 au Premier Consul Bonaparte qui reçut Baudin le 25 Mars et accepta ce projet, en le réduisant à l’exploration de l’Australie et de la Tasmanie (qui ne portaient point encore ces noms là).

Buste de Nicolas Baudin au Havre

Partis du Havre le 19 octobre 1800, ses deux bateaux le Géographe et le Naturaliste, revinrent l’un à Lorient le 25 mars 1804, et l’autre au Havre le 7 juin 1803, au terme d’un périple que l’on peut qualifier d’odyssée, après avoir perdu son initiateur, Nicolas Baudin à l’Ile de France (devenue Ile Maurice) le 16 septembre 1803.

Cette expédition, unique, et la première en son genre, n’était tournée ni vers le prestige et la conquête, ni vers le commerce ; elle avait un but scientifique : la recherche et la découverte de plantes, de roches et d’animaux, l’amélioration du tracé des routes maritimes (Borda est passé par là), l’observation des mers et du ciel : cartographier, explorer, engranger des connaissances pour l’avenir, tels étaient ses objectifs. Elle ne les remplit qu’à peu près, en but à des péripéties imprévisibles, mais constitua la base d’un enrichissement phénoménal de la science naturelle française, sous la houlette de son sévère et peu aimable instigateur.

Nicolas Baudin avait mauvais caractère, et c’est peut être ce qui le perdit : odieux avec ses passagers, dur et intolérant avec ses équipages, peu loquace, il se retrouva dans une grande solitude à des moments où la solidarité et la compassion eussent été bien utiles. Mais l’histoire s’écrivit autrement et le nom de Nicolas Baudin reste attaché à une expérience exceptionnelle dont le destin ne lui donna certes pas la gloire, mais certainement l’estime des scientifiques, étant à la charnière de l’esprit des Lumières qui l’avaient formé, et à l’avant garde des chercheurs modernes du 19ème siècle.

Baudin est né en 1754 à l’Ile de Ré. Il sert pendant la Guerre d’Indépendance américaine, est promu capitaine, mais déçu par ce que lui offre la Marine, il démissionne et se met à son compte, sillonne l’Atlantique et les Caraïbes jusqu’en 1786, année où il se met au service de l’Empereur Joseph II afin de faire du parc de Schöenbrun le plus beau jardin botanique d’Europe ; Baudin sillonne mers et continents pour rassembler des collections de plantes et d’animaux. Sa réputation le met en relations avec le Museum d’Histoire Naturelle de Paris, pour lequel, sur La belle Angélique, il effectue un périple botanique et scientifique, rapportant une étonnante moisson de plantes inconnues. Fort de l’estime des savants de son temps, il réintègre la Marine française en 1798 avec le grade de capitaine de vaisseau.

Il propose alors à Bruix, alors Ministre de la Marine, une ambitieuse circumnavigation destinée à rapporter végétaux et animaux « utiles dans les climats tempérés ». Appuyé par Volney, Cabanis, Testutt du Tracy, Jussieu, tous membres de la Société des Observateurs de l’homme et de la 1ère section de l’Institut, Baudin met tout de même 4 années pour faire accepter son projet, réduit à des dimensions plus raisonnables et moins coûteuses, par Bonaparte en mars 1800.

Île Kangaroo, baie de Penneshaw : inscription gravée, datant de 1803, réalisée par un des marins du navire Le Géographe et rendant hommage à Nicolas Baudin

Ensuite, tout va assez vite, puisqu’en juin, deux unités, la corvette Galathée et une gabare de 350 tonneaux la Menaçante, rebaptisées le Géographe et le Naturaliste, sont affectées à l’expédition et aménagées pour le transport des végétaux. Cuvier, Claret de Fleuriau et Gérando rédigent les instructions. Le mémoire de Gérando, « Considérations sur les diverses méthodes à suivre dans l’observation des peuples sauvages" est peut-être le premier guide d’observation anthropologique européen, fondé sur des considérations entièrement nouvelles, détachées de la religion et de l’intention de soumettre.

Juste avant le départ, le 17 septembre 1800, le Ministre de la Marine transmet à Baudin un « ordre » lui enjoignant de constituer une collection particulière pour l’épouse du 1er Consul, Joséphine Bonaparte, en vue d’enrichir les collections de la Malmaison. L’Institut et le Muséum d’Histoire Naturelle sont chargés de choisir observateurs et savants qui accompagneront Baudin : au total, ils seront 22 à appareiller dans « la confiance et l’allégresse » le 19 octobre 1800 : 5 zoologues (dont Levillain et François Péron, qui sera le seul à faire l’expédition en entier et rédigera le Rapport officiel), trois botanistes, trois dessinateurs, des jardiniers dont l’illustre Anselme Riedlé, deux médecins et des pharmaciens.

Le 19 octobre 1800, on quitte Le Havre, pour atteindre Ténériffe le 5 novembre : atteints du mal de mer, les savants créent les premiers incidents, mettent Baudin en colère ; par une erreur de navigation les deux navires mettent 75 jours (plus que Vasco de Gama en 1497) pour rallier le Cap de Bonne Esperance et 145 jours pour atteindre l’Ile de France (Maurice aujourd’hui). Malades, découragés, en conflit ouvert avec Baudin - pourtant tempéré par son second , le commandant Hamelin - 10 savants débarquent , créant une désorganisation certaine dans le projet scientifique ; mais deux dessinateurs, Charles Alexandre Lesueur et Nicolas Petit restent à bord : ce sont leurs précieux dessins que l’ont peut voir encore au Muséum.

- Ecouter le second volet de l'émission : Nicolas Baudin : le difficile retour du Géographe et du Naturaliste (2/2)

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