L’influence de la spiritualité dans le comportement humain. Colloque Regard sur l’homme contemporain (1/3)

Avec François Gros de l’Académie des sciences, Bérénice Tournafond coorganistatrice du colloque, Bernard Sesboüé, professeur de théologie et Michaël de Saint-Cheron, philosophe
François GROS
Avec François GROS
Membre de l'Académie des sciences

Avec François Gros, membrede l’Académie des sciences, Bérénice Tournafond coorganistatrice du colloque, Bernard Sesboüé, professeur de théologie et Michaël de Saint-Cheron, philosophe
Qu’ils soient philosophe, théologien, juriste ou scientifique, les intervenants de ce colloque s’intéressent aux dimensions morales, spirituelles et du droit qui font partie intégrante des représentations psychiques et des comportements humains. Regard sur l’homme contemporain est un cycle de trois colloques. Canal Académie retransmet ici le deuxième colloque en trois parties. Retrouvez dans ce premier volet les interventions de François Gros, Bérénice Tournafond, le père Bernard Sesbouë et Michaël de Saint-Chéron.

Comme l'expliquent le professeur François Gros et Bérénice Tournafond en introduction de ce deuxième colloque Regard sur l'homme contemporain, les intervenants s'intéressent à l'influence de la morale, de la spiritualité et de la conscience collective chez les hommes.

Bérénice Tournafond précise sa pensée : « La compréhension des sentiments, des émotions et des réactions humaines telles que l’amour, la bienveillance ou à l’inverse la haine et l’intolérance, a de tout temps constitué un sujet d’étude dans tous les domaines, qu’il s’agisse des sciences de la vie, de la médecine, des sciences humaines du droit et des autres disciplines. Pourtant, nos comportements qui sont à l’origine du meilleur comme du pire sont encore très mal connus ».
Toutes ses disciplines abordent le comportement humain. Il a donc semblé logique à Bérénice Tournafond de les rassembler pour faire le point sur nos connaissances.

Ce deuxième colloque s’intéresse plus spécifiquement à l’influence de la spiritualité, de la conscience et de la morale sur les comportements humains. « Bien que la spiritualité soit considérée comme opposée à la matière qui nous constitue, elle est en réalité complémentaire puisqu’elle l’influence, la modifie et parfois même la maîtrise ».

L'impact de la décision spirituelle sur le comportement humain
Par Bernard Sesboüé, professeur de théologie

« La question classique à laquelle on se heurtait depuis près de deux siècles était inverse à celle que nous posons aujourd'hui. Jean-François Catalan dans son dictionnaire de la spiritualité écrivait en effet: « La vie spirituelle dépend-elle du psychisme ? »
Est-ce que les multiples conditionnements auxquels une existence humaine est soumise ne suffisent pas à rendre compte de phénomènes dits spirituels ? Aujourd’hui on se demandera même si l’activité cérébrale ne peut pas rendre compte de l’activité psychique elle-même. Le renversement de la question ici me semble être un heureux signe des temps.
La question sera donc la suivante : Est-ce que l’usage spirituel de la liberté de la personne peut avoir un impact sur son comportement, voire sur sa biologie en temps que celle-ci est spécifiquement humaine.

Je suis à l’aise avec les anthropologies qui voient l’unité de l'homme, un animal spécifique qui est son propre corps. Il est un corps parlant, orienté vers la communication intellectuelle et affective avec autrui grâce à toutes formes de langage. Cet animal humain est le lieu d’une expérience de transcendance. Il est celui qui pose toutes les questions comme “Pourquoi suis-je là ?”. L’homme est l’animal qui pose la question de Dieu. Non seulement il est habité consciemment par cette question, mais il le serait aussi inconscient si l'on en croit le psychanalyste Victor Frenkel qui reconnaissait en nous l’existence d’un inconscient spirituel et même divin ».
Écoutez la totalité de l'intervention du père Bernard Sesboüé,

L'Homme du XXIe siècle face à la spiritualité dés-orientée
Par Michaël de Saint-Cheron, philosophe, chercheur à l'UMR Ecritures de la modernité à Paris III, CNRS

« Au cours des siècles la spiritualité a le plus souvent orienté les humains, même quand elle leur enseignait tout sauf le dialogue avec leurs prochains ou lointains de confessions d’origines différentes. Aujourd’hui, les tenants des religions ont compris que rien n’était possible dans le monde actuel sans un dialogue entre les grandes religions, les grandes spiritualités, mais aussi les grandes philosophies.
Ces crises de l’histoire actuelle des religions s’appellent fanatisme, radicalisation, communautarisme, suprématie du politique sur le spirituel d’une part, et désaffection en Europe d’autre part de certaines religions dites traditionnelles au profit d’un hyper-capitalisme.
Alors que la plupart des grands chefs spirituels contemporains ont su féconder un dialogue sans équivalent dans l’histoire avec les croyants d’autres religions, on assiste paradoxalement à un rétrécissement identitaire et communautariste malgré l’urgence exponentielle du dialogue.

J’aimerais commencer par un devoir de mémoire envers un poète, résistant, membre de l’Académie française. Il a pris la liberté de démissionner suite à l’élection d’un écrivain qui avait selon lui pactisé avec la peste brune. Il s'agit de Pierre Emmanuel. Il avait une pensée, une dynamique, une spiritualité en perpétuelle recherche, mue par une angoisse existentielle autant que par une incertitude fondamentale. Quelque mois avant sa mort, Pierre Emmanuel disait : « Ceux qui ne vivent que de l’intelligence sont des morts, ceux qui vivent sans connaître ce que sera demain mais en espérant sont des vivants ».
Un très grand penseur messianique et athée du XXe siècle, Walter Benjamin et qui a écrit dans ses Concepts d’histoire : « Il n’est pas un témoignage de culture qui ne soit en même temps un témoignage de barbarie ».
Quand on a comprend cela, on a fait un pas immense pour comprendre ce qu’est l’humain. Il n’est pas une religion, pas une spiritualité, pas une culture qui ne doive être jugée à l’aune de cette parole […] ».
Écoutez la totalité de l'intervention de Michaël de Saint-Cheron.

En savoir plus :

Poursuivez l'écoute des interventions du colloque Regard sur l"homme contemporain qui avait lieu en novembre 2010 à l'Institut de France :
- Morale et communication : les fondements de la société humaine ? Colloque Regard sur l’homme contemporain (2/3)
- Agir et ressentir. Colloque Regard sur l’homme contemporain (3/3)

Et accédez au premier cycle de colloque Regard sur l'homme contemporain qui avait lieu en juin 2010 :
- La génétique et l’immunologie pour mieux comprendre l’homme. Colloque Regard sur l’homme contemporain (1/2)
- La psychologie cognitive et le rapport sience/politique pour mieux comprendre l’homme. Colloque Regard sur l’homme contemporain

Le troisième et dernier cycle se déroulera en juin 2011. Entrée libre sur inscription, à l'adresse suivante : www.hommecontemporain.org

- François Gros, membre de l'Académie des sciences
- François Gros sur Canal Académie

Bérénice Tournafond est l'organisatrice du colloque. Elle est juriste, diplômée d’étude supérieure en droit, chargée d’enseignement à l’Université de Paris XII et chef d’entreprise. Elle anime depuis plusieurs années, avec la participation d’académiciens, d’universitaires et de professionnels, un groupe de réflexion sur le système politique économique et social avec la préoccupation principale de replacer l’Homme au cœur de ces sujets et de lui redonner dans la société une place qui soit conforme à ses aspirations profondes.
Elle a organisé plusieurs colloques sur l’identité, la justice, le logement, la médecine, la participation à la vie politique… Elle réfléchit entre autres sur l’incidence émotionnelle du droit et des systèmes politiques sur l’homme.
Elle est l’auteur de plusieurs articles et coauteur de l’ouvrage La démocratie d’apparence édité par François Xavier de Guibert.

Cela peut vous intéresser