Discours d’Alain Peyrefitte pour la réception de Jacqueline de Romilly à l’Académie française

Discours du 26 octobre 1989 relu par le comédien Fernand Guiot
Jacqueline de ROMILLY
Avec Jacqueline de ROMILLY de l’Académie française,
Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

Alain Peyrefitte a prononcé le discours de réception pour accueillir Jacqueline de Romilly à l’Académie française, le jeudi 26 octobre 1989. Sous la Coupole, ont ainsi résonné des paroles vibrantes de bienvenue autant que d’admiration en faveur de l’helléniste, déjà membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Canal Académie vous propose d’écouter l’essentiel de ce discours relu par le comédien Fernand Guiot. L’intégralité du texte est disponible sur le site de l’Académie française.

Jacqueline de Romilly (1913-2010), qui fut la première femme membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (en 1975), a été élue à l’Académie française le 24 novembre 1988, au fauteuil n° 7 précédemment occupé par André Roussin. Comme il est d’usage, c’est seulement un an après qu’elle a été reçue solennellement sous la Coupole, le 26 octobre 1989. Ce jour-là, elle prononça l’éloge de son prédécesseur et c’est Alain Peyrefitte qui l’accueillit par un discours dont vous allez entendre la lecture, grâce à la voix du comédien Fernand Guiot. Alain Peyrefitte lequel avait été élu en 1977 au fauteuil de Paul Morand.

-Il a commencé son discours par une citation de Thucydide : « Tout ce que l’on peut souhaiter aux femmes, c’est que l’on parle d’elles le moins possible » insistant sur le fait que, depuis les Grecs, la situation avait heureusement bien évolué. Il a également souligné que si, Jacqueline de Romilly entrait à l’Académie après Marguerite Yourcenar, elle ne serait pas la seconde femme de la Compagnie mais bien la deuxième, c'est-à-dire que d’autres femmes seraient certainement élues après elles (NDLR : et en effet, Hélène Carrère d’Encausse, Florence Delay, Assia Djebar et Simone Veil mettent au nombre de 6 les femmes de l’Académie française, qui restent donc 4 à la fin 2010).

- "Votre histoire commence en conte de fées... " raconte Alain Peyrefitte détaillant les relations familiales de la nouvelle élue, laquelle eut avec sa mère une relation de profonde tendresse tandis que son père, mort au champ d'honneur à la bataille de la Marne, se retrouvait seule pour assumer la vie quotidienne. Puis il passe en revue le parcours scolaire de la jeune fille dont on devine sans peine qu'il fut très brillant.

- Cependant, les épreuves n'ont pas épargné la jeune madame de Romilly, mariée au printemps 1940. "La guerre a cessé d'être pour vous un simple sujet de thèse. D'abord vous en vivez les épreuves, au rythme de la nation : mari sous les drapeaux ; en juin, l'exode. Vous voyez arriver à Bordeaux le gouvernement et le parlement de la République en déroute. Bientôt une autre catastrophe vous atteint, aussi imprévue, plus intolérable encoer que la première. A la fin de 1940, vous êtes suspendue, victime des lois racistes. Du jour au lendemain, vous loilà chassée de l'université... "

-Heureusement pour la jeune helléniste, il reste Thucydide, un "monument" qu'elle va rendre intelligible et plus proche de nous. Car la méthode, l'écriture, la manière d'approcher l'histoire de l'historien grec la fascine. Et Alain Peyrefitte consacre une bonne part de son discours à expliquer cette fascination.

-Il ne passe pas évidemment pas sous silence la passion de Jacqueline de Romilly pour l'enseignement, tant au sein de l'Education nationale qu'au Collège de France. Une passion qui la conduira à une bataille pour l'enseignement et la formation rigoureuse des esprits par l'étude des langues anciennes. Durant de nombreuses années, à temps et à contretemps, Jacqueline de Romilly insistera pour dire combien la langue grecque -et la civilisation hellénique- contribuent à un apprentissage incontournable : "Pour l'intelligence, pas de plus bel exercice que l'étude du grec. Ce sont les poids et haltères de l'intelligence"... C'est pourquoi Alain Peyrefitte, dans ce discours, insiste longuement sur ce point. Car la Grèce antique, il le rappelle aussi, nous a laissé en héritage la démocratie, la tolérance, la liberté. La chaire de Jacqueline de Romilly au Collège de France, qu'elle a tenue à partir de 1973, ne s'intitulait-elle pas " La Grèce et la formation de la pensée morale et politique" ?

-Enfin, l'orateur qualifie celle qu'il accueille du titre de "Madame de Sainte Victoire", rappelant combien Jacqueline de Romilly (qui n'était pas provençale) a aimé cette montagne, "l'éblouissement de la lumière et la fraîcheur du vent", comme elle l'écrit dans Sainte-Victoire. Elle avait d'ailleurs reçu des mains de son prédécesseur André Roussin le Grand Prix littéraire de Provence... et, avec l'oeil malicieux, car l'humour lui était aussi indispensable que l'air, elle ajoutait : "J'aime aussi, comme nous tous, la douceur de l'oisiveté, les bons repas, le vin rouge, intense et réchauffant...".

Le texte du discours d’Alain Peyrefitte peut être lu dans son intégralité sur le site de l’Académie française, www.academie-française.fr en cliquant sur les travaux académiques d’Alain Peyrefitte.

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