Balles au centre. Une chronique de François d’Orcival.

de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

François d’Orcival reprend ici, au micro de Canal Académie, la chronique qu’il donne, le samedi, dans Le Figaro Magazine. S’il aborde plus volontiers des questions de société ou des sujets relatifs à l’actualité internationale, il n’hésite pas à traiter certains aspects de la politique française. Ainsi en est-il de cette chronique...

François Bayrou revient de loin. Pour reprendre le mot de Christine Lagarde à propos du gouvernement Fillon, il a lui aussi accompli sa révolution : le voici de retour à son point de départ, la présidentielle de 2007. Réélu il y a huit jours à la présidence du Modem, il s’est employé à démolir le projet d’ « égalité réelle » que les socialistes approuvaient à la même heure dans une autre salle. Naguère, il envoyait les siens sur les estrades socialistes et tirait au canon sur Sarkozy. En 2009 encore, il rêvait de récupérer une aile d’un PS promis à la disparition. Depuis, les régionales ont reconstitué le PS en le laissant, lui, désemparé. Du coup, il se tourne à droite. L’antisarkozysme n’est plus un programme.

Seulement, là où il était seul en 2007, il y a désormais de la concurrence. L’avant veille du modeste congrès du Modem, Jean-Louis Borloo, tout juste libéré du gouvernement, donnait à Paris le premier de ses « dîners républicains » : on se pressait pour en être, de tous partis, de toutes associations, de toutes obédiences. Borloo, c’est l’air du temps, les médias, le parti radical et radical socialiste d’Herriot, Mendès et JJSS. Et puis il est « sympa ». Mais il affiche une ambition : tous ces ex du centre, ex-démocrates chrétiens, ex-giscardiens, ex-valoisiens, ex-libéraux, méritent de se rassembler, d’exister. Pour reconstituer la ligue dissoute de l’ex-UDF au sein de l’UMP ? Sous la Ve, une famille n’existe qu’avec un candidat à l’élection mère, la présidentielle.
Problème : il y a au centre autant de candidats que les socialistes en comptent déjà – sauf que le centre n’a pas prévu de « primaires ». Chacun croit être le sauveur des autres. Hervé Morin, le « Nouveau centre », qui était en 2007 le bras armé de Bayrou, se persuade qu’il va lui siphonner ses voix ; Christine Boutin, de même, dans la droite catholique. Et ainsi de suite.

A la fin, beaucoup iront en touche, restera un face à face Bayrou Borloo. Manquant d’élus et de l’appareil qui lui avait permis d’aller à ses 18% de 2007, Bayrou renonce à son image de négateur perpétuel ; il redevient grave, veut redresser les finances publiques. Porté par sa compétition avec Fillon, Borloo pense séduire ceux qui ne se sentent pas bien dans la culture « sécuritaire identitaire ». Cela fait deux balles au centre. Et une de trop pour Sarkozy qui aura besoin de ces voix.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 18 décembre 2010. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire.

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